Le tout bio n’est pas nécessairement pas tout beau

La recherche d’une alimentation naturelle et de soins plus respectueux du corps sont les deux rasions à l’origine du développement sans précédent du marché du bio. Vecteurs privilégiés de sa propagation, une multitude de salons se tient chaque année et de nombreux magasins bio ont ouvert leurs portes… mais pas toujours pour le meilleur.

Le salon NaturaBio qui se déroule, fin novembre à Lille, connaît un grand suc­cès public et attire chaque année près de 15 000 personnes. Dans ce salon « bio, bien-être et habitat sain », tout est cependant loin d’être inoffensif.

Aux côtés d’enseignes connues, on trouve tout un panel de produits et de méthodes de bien-être pouvant présenter un danger pour la santé et dont l’efficacité n’a pas été prouvée. À l’instar de nombreux compléments alimentaires dont la composition insuffisamment contrôlée fait courir des risques de contamination aux consommateurs et peut leur laisser espérer des vertus miracles comme celle de guérir le cancer.

Le salon abrite des stands vantant des méthodes de soins ou des appareils censés améliorer la santé dont le principe s’appuie sur des bases pseudo scientifiques et ésotériques. Quelles que soient ces méthodes, toutes sont « mal encadrées sur le plan légal », et reposent sur des bases théoriques nébuleuses et relèvent de la pseudo-science.

Un vendeur d’objet en « bois po­larisé » tire son concept obscur, la « sylvothérapie énergétique », d’un mélange de feng shui, d’anthropo­sophie, de mathématiques, de géo­métrie sacrée et d’ondes de forme !

D’autres vendent des articles en noisetier pour « réguler le pH du corps », des livres sur le respirianisme, proposent une coupe de cheveux énergétique à 125 euros (prix spécial salon) qui « peut aider si vous avez une pathologie comme le cancer ou la sclérose en plaque ».

Figurent aussi en bonne place les stages en développement personnel « à teneur new age ou spirituelle » : sophro-analyse, psychogénéalogie… Toutes ces méthodes ont pourtant été signalées par la Miviludes comme à risque de dérives sectaires.

Selon le journaliste, la charte du salon interdit l’ésotérisme mais des ouvrages de numérologie sont en vente, et les organisateurs se prévalent d’étudier le sérieux de chaque thérapeute avant d’accepter sa présence…

Au vu de ce qu’il a découvert, le journaliste s’inquiète des personnes sans scrupules qui pourraient profiter de l’engouement légitime du public pour l’écologie. Il craint que le milieu de l’écologie, très perméable au charlatanisme, ne se décrédibilise : en témoigne, selon lui, le « succès de la biodynamie, le soutient d’EELV à l’homéopathie ».

Les théories « alternatives » sans fondements scientifiques, voire fausses trouvent aussi d’autres relais pour leur diffusion. Ainsi le journal gratuit Biocontact, régulièrement épinglé pour son contenu, assume sa ligne éditoriale anti-vaccins et pro médecine alternative.

Le député Oliver Véran « tombé sur le magazine par hasard » a été indigné par son contenu anti-science en découvrant un article intitulé « Vaccins obligatoires : les 5 fake news du Conseils d’État » et un autre prétendant que le brocoli aurait des « propriétés anti-tumorales ».

Biocontact est coutumier du fait puisque dès sa création, il y a 30 ans, le magazine aurait affirmé que le vaccin contre la polio pouvait être à l’origine du sida. Il s’est donné pour vocation « d’informer sur toutes les alternatives dédiées au mieux-être ». Ce sont principalement des naturopathes et divers pseudo thérapeutes qui rédigent les articles. Fondé par Jean-Pierre Camo, propriétaire d’un magasin bio dans les années 1980, ce journal gratuit ne vit que de ses nombreuses publicités et annonces et a généré un chiffre d’affaire entre 1,4 et 1,6 million d’euros entre 2010 et 2013 pour un bénéfice compris entre 106 000 et 254 000 euros. Les publicités ciblées, lui permettent « de diffuser les thèmes qui lui sont chers auprès d’un public plus large, bien au-delà d’un lectorat convaincu ». Et sa diffusion dans de nombreuses enseignes bio, comme Bioccop ou La Vie claire, est une aubaine pour toucher un public de plus en plus nombreux en recherche de bien-être et de produits naturels.

Selon Emily Destailler, médecin dans le Nord, « le public de ces enseignes est attiré logiquement par toutes les méthodes naturelles, parfois à l’extrême », persuadé que la médecine douce est plus efficace que la médecine conventionnelle. Thibault Ducarn, salarié de Robin des Bois, association gérant une épicerie bio, refusait de le diffuser car l’éthique du journal. Mais ce qui l’a définitivement dissuadé de le faire est le contenu douteux des articles, comme celui publié sur le respirianisme.

Paule Latino-Martel, coordinatrice du réseau National Alimentation Cancer Recherche (NACRe) prévient du danger que le journal fait courir aux malades du cancer qui pourraient suivre les recommandations alimentaires anti-cancer diffusées dans ses colonnes.

Interrogés par les journalistes de LCI, les propriétaires de magasins bio ont des avis divergents. Si certains assument pleinement, et assurent que leur clientèle l’attend chaque mois, d’autre comme les Nouveaux Robinson ou La Vie Claire ont demandé à leurs franchisés de le retirer de leurs rayons, chacun ayant le choix de le faire ou non.

Quant à la BioCoop, si elle diffuse son propre magazine, « Culture bio », elle laisse le choix à chacun des magasins de laisser ou deretirer Biocontact.

(Sources : Médium.com, 27.11.2019 & LCI, 28.11.2019)

  • Auteur : Unadfi