Jamie O’Connell1 a grandi au sein des Témoins de Jéhovah en Irlande. Sa mère ayant abandonné sa famille, son père l’a élevé seul, jusqu’à ce qu’il devienne Témoin de Jéhovah et en épouse une membre.
Tout au long de l’école primaire, il a mal vécu les tensions entre l’école, qui faisait partie du « monde séculier » impie, et les croyances du groupe interdisant de participer aux fêtes de classe et de se lier d’amitié avec des enfants non-Témoins, « ces gens faisant partie du système méchant de Satan ».
Devenu adolescent, les tensions n’ont fait que s’accroitre, d’autant plus que, se sentant différent des autres garçons, Jamie subissait leurs quolibets sans les comprendre jusqu’à ce qu’il réalise qu’il est homosexuel. Mais la seule chose qu’il savait de l’homosexualité c’était le mot « dégoûtant » prononcé par sa belle-mère en voyant une personne gay à la télévision.
A partir de ce moment-là, il a vécu une double vie, à l’école pour l’une et chez les Témoins de Jéhovah pour l’autre. Durant cette période, angoissé à la pensée de ne pas être assez bon il se contraint en permanence au perfectionnisme. Tout en étant assidu à l’église, il étudiait chaque jour pour l’école, cherchant constamment l’approbation de son père qui se préoccupait plus de son avenir en tant que Témoin de Jéhovah que de ses résultats scolaires. Il ambitionnait pour son fils une vie rangée avec une épouse Témoin, chose impossible.
De longues années à ce rythme l’ont conduit à un épuisement qui s’est manifesté par de nombreuses crises d’angoisse pour lesquelles il n’a jamais été suivi médicalement.
Sa double vie est devenue psychologiquement insupportable lorsqu’il a commencé à fréquenter des hommes tout en continuant à se rendre aux réunions Témoins de Jéhovah. A la haine de lui-même, engendrée par cette situation, aucune autre solution ne s’offrait à lui « dans une religion, où les enfants sont régulièrement menacés de perdre toute leur famille et d’être reniés par leurs parents s’ils abandonnent la foi » ; il ne trouva que l’auto-destruction comme remède.
Sa dernière conversation avec son père fut celle de son coming out en 2005, et les dernières nouvelles qu’il eut de lui furent trois phrases de sa belle-mère pour annoncer son décès en 2010.
Désormais guéri de ses blessures psychologiques, il n’a gardé aucune animosité envers son père et sa belle-mère et considère qu’ils ne pouvaient pas l’élever autrement en tant que parents fondamentalistes.
Pour lui, « la souffrance des homosexuels endurée dans des foyers où le dogmatisme l’emporte sur la gentillesse est totalement destructrice, parfois fatalement. La menace d’abandon pèse lourd et détruit la psyché d’un enfant ». Et bien qu’il ait beaucoup progressé avec des années de thérapie, il ne démêle toujours pas les racines de la haine de soi qui lui a été imposées.
(Source : Irish Times, 05.06.2021)
1.Jamie O’Connell a raconté son histoire dans Diving for Pearls publié par Doubleday en 2021