
Une enquête menée par RTV Oost dévoile les dérives inquiétantes de la secte Pater Pio, installée dans une ferme à Tubbergen, aux Pays-Bas. Malgré 19 signalements documentés d’abus et une condamnation en 1996, la secte continue à opérer presque impunément depuis trois décennies…
La secte Pater Pio, dirigée par Trees P., revendique une connexion spirituelle directe avec le saint italien Padre Pio décédé en 1968. Selon plusieurs témoignages, Trees contrôle la vie des membres, parfois jusqu’à leur mort. Dix-neuf signalements ont été reçus et trois plaintes ont été déposées pour exorcismes sur mineurs, privation de soins médicaux et recours à des remèdes ésotériques pour des maladies graves.
Des documents municipaux prouvent que les autorités locales et nationales (police, justice, services sociaux et même autorités ecclésiastiques) étaient informées depuis au moins 1993 mais n’ont pas réagi efficacement.
En 1996, Trees et certains de ses associés ont été reconnus coupables d’abus, notamment d’avoir coupé les « oreilles du diable » d’un patient psychiatrique. La fille de Trees, Evelien Vaags, avait alors témoigné en détail de son enfance dans la secte. Puis plus rien. Des interventions ponctuelles ont bien eu lieu, comme une perquisition en 2019 (suite à une plainte pour des constructions illégales !), mais elles n’ont jamais conduit à des poursuites durables.
Parmi les témoignages, celui d’un ancien trésorier devenu médecin à Twente révèle un climat d’omerta. Des policiers eux-mêmes ont rapporté des pressions ou un manque de soutien de leur hiérarchie. Un juge a résumé l’inaction des autorités : « Tous les Pays-Bas sont au courant, sauf la municipalité de Tubbergen ».
En 2022, après que deux sœurs âgées de 11 et 12 ans ont alerté leur école de faits de violences et de travaux forcés, les services de protection de l’enfance sont (enfin) intervenus. Ils ont démontré que leur mère obéissait aux ordres du chef de la secte. Les deux jeunes filles ont été secourues. Mais Trees n’a, semble-t-il, pas été inquiété. Âgé de 85 ans, il est toujours, selon les documents que l’on peut consulter sur Internet, à la tête de Pater Pio Stiching, structure liée à la secte de Tubbergen.
Aux Pays-Bas, l’affaire rappelle les dysfonctionnements de l’affaire Ruinerwold et relance le débat sur la responsabilité des institutions dans la surveillance des communautés sectaires.
(Source : NL Times, 31.05.2025)