Third Day Worship Center : Témoigner pour éviter aux autres le piège de l’emprise

Dans un article en trois volets, paru sur le site Global News, plus de 10 anciens membres du Third Day Worship Center, une Église chrétienne indépendante située à Kingston, en Ontario, racontent comment ils ont été manipulés pour avoir peur du monde extérieur et sont devenus dépendants de l’Église.

Ils affirment que l’organisation a encouragé la soumission à l’idéologie de l’Église et à son fondateur, le pasteur Francis Armstrong. Ils l’accusent d’avoir causé des problèmes de santé mentale, d’avoir brisé des mariages, lui reprochent une perte de temps et d’argent, et surtout la perte de leur liberté d’action. Ils se sont manifestés auprès de Global News dans l’espoir de faire changer l’Église et pour empêcher d’autres personnes de tomber dans le piège.

Exalté, le pasteur, prophétise, parle en langue, prêche des opinions ultra conservatrices, dénigre la communauté LGBTQ, raconte que le vaccin contre la Covid est un stratagème de Bill Gates pour implanter des puces dans le corps des gens ; il remettait en cause les mesures sanitaires pour lutter contre le virus jusqu’à ce que plusieurs membres, dont lui-même, soient infectés.

Selon les anciens membres, l’un des principaux objectifs de l’Église est le « réveil » spirituel, non seulement de ses adeptes, mais du Canada tout entier. L’engagement dans cette tâche est total et demande aux membres de « se détourner de leur vie séculière et s’engager envers Dieu. »

Nicole Perry, une ex-adepte, explique que cette adhésion nécessite le passage par une cérémonie au cours de laquelle les adeptes devaient se délester de tout ce qui n’était pas chrétien (CD, livres, films) pour se conformer aux normes du groupe.

Très vite l’Église resserre son étau. Les adeptes, convaincus que le doute, le non-respect des règles ou l’envie de partir leur feraient courir le risque d’une malédiction divine, se soumettent au fonctionnement exigé pour éviter les ennuis.

Tout est fait pour les éloigner du monde extérieur. Les relations avec des personnes extérieures au groupe, qui représentent un risque de corruption, sont fortement déconseillées.

Pour garder les membres dans son giron, l’organisation gère également une école biblique pour enfants, une crèche, un ministère des enfants, un ministère des jeunes et un ministère des jeunes adultes, une maison pour les jeunes femmes (Esther House), un groupe de femmes et un groupe d’hommes, et une clinique de guérison. Nikki Hamilton se souvient de la multitude d’activités proposées par l’Église. Cela ne laissait aucun répit aux adeptes, mais ne pas y aller équivalait à être taxé de mauvais croyant.

Les anciens membres témoignent aussi de l’efficacité du système de surveillance entre adeptes et des sanctions mises en place par l’Eglise. La peur du repentir et de l’humiliation publique sont des motivations pour adhérer à l’idéal de pureté proposé.

Comme dans beaucoup d’églises pentecôtistes l’argent occupe une place importante et les adeptes sont prêts à tout pour donner, sous peine de grand malheur. Une ex adepte raconte que même en période de chômage, elle ne manquait jamais de verser la dîme (dix pour cent de son revenu brut), car selon l’Eglise, ses malheurs seraient causés par sa trop faible participation financière…. À cela s’ajoute des offrandes obligatoires et des quêtes organisées pour des occasions spéciales.

Tout cela rapporte beaucoup à l’Eglise qui aurait engrangé, d’après l’Agence du revenu du Canada (ARC), entre 1,3 et 1,5 million de dollars durant les cinq dernières années.

Mais si certains adeptes peinent à boucler les fins de mois, le pasteur, quant à lui, ne se refuse rien. Propriétaire d’une Lexus, habitant l’un des plus beaux quartiers de la ville, Armstrong se défend en disant que les dépenses de fonctionnement de son église sont approuvées par le directeur des finances et qu’une partie d’entre elles sont consacrées à des actes de charité.

Mais les problèmes posés par le groupe ne s’arrêtent pas là. Ouvertement homophobe, le pasteur réprouve l’homosexualité considérée comme une maladie qui peut être soignée par une thérapie de conversion. Certains ont tellement souffert des pressions du groupe que la haine qu’ils sont venus à éprouver d’eux-mêmes, les a amenés à s’automutiler, à abuser de drogues et d’alcool, et même à tenter de se suicider.

La thérapie consiste en un jeûne de trois jours accompagné d’une période d’isolement et s’achève par un exorcisme mené par plusieurs personnes hurlant pour faire fuir le démon. Mais quitter l’Église n’est pas facile.

Partant du principe que tous ceux qui sont partis du groupe ont tort, les membres qui l’ont quitté sont évités et perdent ainsi toutes leurs relations. Jenn O’Rourke a eu beaucoup de mal à se soustraire au groupe pour rejoindre son mari parti en 2015. Partie une première fois elle n’a pas supporté d’être rejetée par ses proches resté dans la secte. Elle a donc demandé à être réintégrée. Mais pour retrouver sa place elle a dû se plier à un processus d’excuses élaboré qui comprenait une réunion avec Armstrong et un aveu public de culpabilité sur Facebook. Elle a finalement choisi son mari et a quitté le groupe une bonne fois pour tout. Mais tout n’est pas rose à l’extérieur, car après sa sortie, elle a souffert
d’anxiété grave, de solitude, a eu du mal à s’adapter au monde profane. « Mon départ a été horrible. J’avais l’impression de perdre la tête » se confie-t-elle

Quatre ans plus tard, elle livre son histoire pour essayer de mettre en lumière les effets de ce qu’elle appelle « un traumatisme religieux » et pour empêcher d’autres personnes d’être prises au piège.

(Source : Global News, 15.16 & 17.12.2020)

Pour lire l’intégralité de l’enquête en anglais : https://globalnews.ca/news/7499084/kingston-third-day-worship-centre/

 

 

  • Auteur : Unadfi