Sortir de l’organisation

Paul (son prénom a été modifié) a raconté dans les colonnes du Monde son enfance au sein des Témoins de Jéhovah, sa sortie du groupe et sa prise de conscience des années d’emprise qu’il a subies. Né de parents jéhovistes il a grandi sous l’égide des principes stricts de l’organisation.

Depuis sa naissance, il a reçu un enseignement basé sur les publications des Témoins de Jéhovah. Il s’est rendu pendant de nombreuses années aux réunions de la communauté, puis il a accompagné ses parents faire du prosélytisme. Son temps libre était consacré aux réunions où les adeptes étaient fortement encouragés à n’avoir des fréquentations que dans le groupe. Il est tout de même allé à l’école publique dans laquelle il se sentait en décalage ce qui l’empêchait de nouer de véritables amitiés. Les nombreuses interdictions inhérentes à la doctrine du groupe (pas de fêtes de Noel, Pâques ou encore d’anniversaire) étaient aussi un frein aux interactions sociales. Les jeunes adeptes sont aussi encouragés à ne fréquenter une fille qu’en vue d’un mariage et de préférence une fille de l’organisation. Certains parents du groupe n’hésitent pas à sermonner leurs enfants lorsqu’ils acceptent un bout de gâteau d’anniversaire à l’école. Paul aborde aussi la surveillance entre les adeptes. Si un témoin de Jéhovah constate qu’un autre enfreint une règle il le dénonce auprès des anciens afin de « protéger sa spiritualité ». Paul a respecté ces règles pour ne pas décevoir ses parents puis par la suite pour Dieu car selon les Témoins de Jéhovah leurs croyances sont la seule et unique vérité sur le monde.

Son premier doute est apparu à l’âge de 24 ans alors qu’il était très investi au sein de l’organisation. Ce premier élan de réflexion apparut alors qu’il écoutait une vidéo enregistrée par le Collège central, qui jugeait que les articles de presse ou de recherche n’étant pas en accord avec les publications du groupe étaient uniquement basés sur des mensonges.  Dès lors, Paul se questionne sur ce qu’on lui a appris au sein du groupe et il commence à déconstruire les croyances, les interdits et sa vision du monde inculquée par l’organisation. Sa sortie du groupe s’est faite progressivement et non sans difficultés. Il admet par exemple qu’il lui a été difficile de se confronter au fait qu’il n’allait pas vivre éternellement comme cela est évoqué dans la croyance jéhoviste.

Quitter le groupe a été pour lui prendre le risque de rompre avec son cercle social et de perdre ses proches. Lorsqu’il a franchi ce cap, des anciens ont essayé de l’en dissuader. Il a alors hésité puis fait marche arrière. Cependant lors de la pandémie, son investissement dans le groupe a diminué avant qu’il ne décide courant 2022 de ne plus être membre des Témoins de Jéhovah. Prête à entendre cela, sa famille continue de garder un lien avec lui mais reste silencieuse face à ce choix vis-à-vis de la communauté. Il a encore aujourd’hui peur qu’un adepte le croise dans la rue et le dénonce aux anciens.

Aujourd’hui, il fait numériquement toujours partie de l’organisation mais s’est coupé de tout lien avec elle. Il a perdu de nombreux amis restés dans le groupe et tente de se créer un nouveau cercle social. Il admet avoir voulu sortir de l’emprise de la doctrine jéhoviste certains des membres de sa famille qui encourent des dangers notamment par le refus de transfusion sanguine. Toutefois il est obligé d’admettre qu’il ne peut pas les forcer et que la décision doit venir d’eux.  

(Source : Le Monde, 29.01.2023)

  • Auteur : Unadfi