Le tribunal de Bruxelles a rejeté les accusations qui auraient pu faire interdire la Scientologie en Belgique. Il a déclaré « irrecevable » l’ensemble des poursuites visant son interdiction. Il ne s’est donc pas prononcé sur les faits d’escroquerie, d’exercice illégal de la médecine et sur l’ensemble des infractions pour lesquelles elle avait été jugée.
Le parquet avait demandé une dissolution complète de la branche belge de la Scientologie et du Bureau européen pour les droits de l’homme. Onze membres et deux associations affiliées étaient accusés de fraude, d’extorsion, de pratique illégale de la médecine, d’organisation criminelle et de violation de la vie privée.
Le juge Yves Regimont a relevé les imprécisions du parquet évoquant une instruction « plus que floue ». Il déplore également les incohérences dans le réquisitoire du ministère public, le qualifiant de « lacunaire, imprécis et incohérent ». Il a estimé que le dossier produit se fondait davantage sur des hypothèses que sur des faits concrets.
Le tribunal a également admis l’irrecevabilité des poursuites concernant deux prévenus suite à la disparition de trop nombreuses pièces du dossier des enquêteurs.
Pour les victimes, évidemment déçues, ce sont sept semaines de procès et 18 années d’investigation qui ont été anéanties à la lecture du jugement. L’une d’elle a regretté que les faits aient été trop anciens ou pas assez précis, rajoutant : « Nous sommes sûrs que le parquet fera appel car il faut vraiment que ça bouge ».
(Sources : RTBF & Le Soir.be & The Guardian & Nouvel Obs, 11.03.2016)
Les réactions
André Frédéric, député et président de l’association belge AVISO (Association des victimes belges de dérives sectaires), déplore que l’on ait mis 18 ans pour instruire le dossier. Il estime que la justice « n’a pas tranché sur le fond », que le débat n’est donc pas clos.
Pour Serge Blisko, président de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), « c’est l’incompréhension et une grande déception ». Il souligne que « ce qui est étonnant, c’est que la Scientologie a été condamnée définitivement par la Cour de cassation en France en 2013 pour les mêmes faits : exercice illégal de la pharmacie et escroquerie en bande organisée ».
La FECRIS, Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’Information sur le Sectarisme, s’est déclarée quant à elle choquée par le jugement du 11 mars 2016 du Tribunal correctionnel de Bruxelles. « Compte tenu du fait que le Président ne considère pas avoir reçu les outils pour juger il n’a pas été possible de se prononcer sur la recevabilité de la présentation du procureur fédéral. Il n’y donc eu aucune décision disant si oui ou non l’Eglise belge de Scientologie est une organisation criminelle ». Elle déplore l’absence de partie civile : « pas un seul témoignage, les victimes s’étant retirées après avoir été remboursées ou dédommagées ». « Il est donc permis de dire que le procès de Bruxelles a été biaisé, que le jugement n’a pas porté sur le fond et que s’il n’y a pas appel, ce procès n’aura rien changé » conclut-elle.
D’anciens adeptes, dont certains venus des États-Unis, s’étaient déplacés à Bruxelles pour assister au procès. L’une d’elle, Samantha Domingo, est horrifiée par la décision du tribunal. « Je suis choquée, confie-t-elle. J’espérais qu’ici à Bruxelles, on puisse lutter contre la Scientologie et son culte. » Exhibant les portraits de jeunes gens décédés à la suite de pratiques médicales scientologues, elle estime que ce résultat n’est pas une victoire, « pas pour tous les enfants qui y sont morts ».
Victoria est la mère de Kyle, jeune homme décédé parce qu’il ne prenait pas les médicaments dont il avait besoin. « La pratique illégale de la médecine m’interpelle. Beaucoup de personnes sont mortes. C’est grave. Je crois que la société devrait davantage protéger les citoyens les plus vulnérables ».
(Source : France Info & RTL, 11.03.2016 & Communiqué de presse de la Fécris, Le journal de Verviers, 30.03.2016)