Liens de la majorité municipale lyonnaise avec la Nef ?

Le 7 novembre, le groupe d’opposition lyonnais « Pour Lyon » a interpellé le gouvernement sur les liens entretenus par la majorité écologiste de la Mairie de Lyon avec la Nef, une banque aux origines anthroposophes, épinglée dans le dernier rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).

Les élus du groupe « Pour Lyon » ont envoyé une lettre à la Secrétaire d’Etat chargée de la Citoyenneté, Sonia Backès et alerté la presse sur un prêt de trois millions d’euros contracté, il y a un an, par la municipalité auprès de la Nef.

Ils ont aussi découvert que la gonette, la monnaie locale lyonnaise, est liée à l’établissement bancaire. Enfin ils dénoncent l’invitation de la banque lors du forum de la finance éthique organisé à l’hôtel de ville le 8 novembre, soit à peine plus d’une semaine après la sortie du rapport de la Miviludes. L’élu d’opposition Ludovic Hernandez, qui avait alerté le conseil municipal que la Nef émane de l’anthroposophie, regrette que les relations avec la banque n’aient pas été mises en pause pour procéder à des vérifications. Il ne s’explique pas pourquoi la ville ne réagit pas avec la Nef de la même façon qu’avec la Nouvelle Acropole. La ville s’est en effet récemment désolidarisée de « La Nuit de la philosophie » après avoir découvert que la Nouvelle Acropole était derrière son organisation.

La majorité répond qu’elle a « écrit au président de la Miviludes pour demander des précisions sur les motifs d’accusation, afin de permettre de prendre les mesures adéquates ». Elle ajoute qu’en 2003 la Nef a gagné son procès en diffamation contre le député Jacques Guyard président de la Commission d’enquête sur les sectes et l’argent qui avait signalé des liens avec l’anthroposophie [NDLR : elle omet de dire que Jacques Guyard a été acquitté en appel]. La majorité rappelle enfin que les premières relations avec la banque ont commencé avec le Grand Lyon qui avait souscrit deux prêts pour un montant total de 3,3 millions d’euros auprès de la banque en 2012 et 2014.

Pour sa part, si la Nef reconnaît avoir eu des liens avec l’anthroposophie à ses débuts, elle affirme s’en être éloignée. Pour preuve Ivan Chaleil, membre du directoire de la banque, avance que sur les 2 000 derniers financements accordés par la banque seuls deux l’ont été à des écoles Steiner.

Si Bernard Horenbeek, président du directoire de la Nef, affirme ne pas être intéressé par l’anthroposophie, il admet que deux membres importants du Conseil de surveillance de la Nef sont des anthroposophes. Ce qui, selon lui, est sans conséquences car le conseil n’intervient pas dans les décisions de crédit. Il admet aussi ne pas voir d’inconvénients à financer l’agriculture biodynamique.

La Nef ou Nouvelle économie fraternelle a été fondée en 1978 par deux anthroposophes. L’un professeur dans une école Steiner, l’autre parent d’élève et agriculteur en biodynamie.

Grégoire Perra, membre de l’anthroposophie à cette époque, se souvient que les deux fondateurs avaient « mobilisé tous les réseaux anthroposophiques pour obtenir les fonds de départ ». En 1986, « ils ont fait une grande campagne dans les écoles Steiner » « et une tournée dans toutes les sociétés anthroposophiques ». Grégoire Perra explique que leur but était de « financer les structures anthroposophiques, écoles et fermes en biodynamie ». Il ajoute que les fondateurs avaient aussi pour objectif de « financer des structures alternatives, notamment écolos, qui ne sont pas anthroposophes, afin de former et de placer des gens » qui feraient « le lien entre leurs objectifs et ceux de l’organisation ».

Dès le début des années 2000, la Miviludes alertait sur les possibles dérives sectaires de l’anthroposophie et ses différentes émanations, ce qui lui a valu des ennuis en justice, la dernière fois remontant en 2018 lorsque le tribunal administratif avait donné raison aux médecins anthroposophes qui avaient demandé que leur méthode de soin soit retirée de la liste des pratiques à risques publié dans le guide « Santé et dérives sectaires », paru en 2012. A l’époque, la Miviludes envisageait de faire appel de cette décision. 

(Sources : Lyon Capitale, 08.11.2022 & Marianne, 25.11.2022)

  • Auteur : Unadfi