Les Témoins de Jéhovah à l’origine du report du rapport 2021 de la Miviludes ?  

La parution du rapport de la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), initialement prévue en février 2022, a été repoussée à une date indéterminée.  Interpelé par ce report, le journal Marianne s’interroge sur l’éventuel rôle de « pressions exercées par les Témoins de Jéhovah qui viennent d’annoncer des poursuites contre la Mission ».

Si ce report du rapport de la Miviludes après les échéances électorales interroge Charline Delporte, présidente du Centre national d’accompagnement familial face à l’emprise sectaire (Caffes), des proches de la Mission y voient une possible pression des Témoins de Jéhovah, très irrités par le rapport 2018-2020 de la Miviludes, publié en février 2021.

Ce rapport évoquait un « prosélytisme très actif » durant la pandémie, le « refus des transfusions sanguines », « le véritable ostracisme mis en œuvre pour celles et ceux qui décident de quitter la communauté », « l’éducation des enfants » qui seraient soumis à une « forte tension psychologique ».

Le 8 novembre 2021, Guy Canonici président de la Fédération chrétienne des Témoins de Jéhovah, adressait à Christian Gravel, président de la Miviludes, un recours administratif préalable dont les seize pages accusaient le rapport de la Miviludes de cibler de « manière discriminatoire les pratiques et croyances des Témoins de Jéhovah par le biais d’accusations fausses et diffamatoires », et exigeait surtout de « supprimer du rapport d’activité les passages diffamatoires. »

Le 20 janvier 2022, Guy Canonici avisait la Miviludes d’une procédure judiciaire devant le tribunal administratif. Enfin, dans un communiqué publié le 7 mars, les Témoins de Jéhovah annonçaient publiquement poursuivre la Miviludes.

Certains voient là un avertissement du groupe qui aurait pu freiner la sortie du nouveau rapport. D’autant que selon plusieurs sources qui se sont confiées à Marianne, le rapport 2021 pourrait être encore plus accablant pour le groupe en raison de nombreux témoignages rapportés à la Mission.

Interrogé par Marianne, Christian Gravel, le président de la Miviludes, réfute cet argument : « Nous n’avons pas cédé, et nous ne céderons pas à leur pression. Nous continuerons à travailler, en toute indépendance, et à dénoncer un certain nombre de dérives et de comportements à caractère sectaire. » Pour lui « le rôle de la Miviludes consiste à faire savoir quelles organisations peuvent être concernées par des dérives à caractère sectaire. C’est ce que nous avons constaté depuis des années avec les Témoins de Jéhovah. L’essentiel du travail sur le prochain rapport a été fait et leur lobbying n’y change rien ».

Marianne révèle néanmoins que les Témoins de Jéhovah ont été reçus au ministère de l’Intérieur le 3 juin 2021 par Sébastien Jallet, l’ancien directeur de cabinet de la ministre déléguée en charge de la Citoyenneté Marlène Schiappa. Christian Gravel et Clément Rouchouse, chef du Bureau central des cultes (BCC) étaient également présents. Selon le courrier de Guy Canonici adressé le 8 novembre à Christian Gravel, lors de cette réunion, « engagement avait été pris de reconsidérer le traitement réservé par la Miviludes aux Témoins de Jéhovah ».

Ce présumé engagement n’a pas été tenu, mais le fait que les Témoins de Jéhovah aient été reçus au ministère de l’Intérieur en présence du chef du BCC et du président de la Miviludes a ravivé les craintes émises lors du passage de la Miviludes sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, également en charge « des relations entre l’État et les associations cultuelles établies » via le BCC.

« Au Bureau central des cultes, on considère tous les cultes sans distinction », regrette Pascale Duval, porte-parole de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi).

Répondant aux craintes des militants « antisectes », Christian Gravel rassure en confirmant que la souveraineté de la Miviludes n’est nullement remise en cause par son rattachement au ministère de l’Intérieur via le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) « qui préserve par définition le caractère interministériel de la Mission. ». 

(Source : Marianne, 07.03.2022)

  • Auteur : Unadfi