« Sept ans d’abus sexuels : comment les autorités mormones ont laissé faire ? », une enquête publiée par Associated Press au début du mois d’août a suscité beaucoup de réactions au sein de la communauté mormone et au-delà. Le journaliste Michel Rezendes y dénonce l’inaction des autorités mormones après que Paul Douglas Adams, un membre de l’Eglise, avait avoué avoir abusé de sa fille âgée de cinq ans lors d’une confession auprès de John Herrod, un évêque mormon.
Après la confession l’évêque a contacté « la ligne d’assistance », une ligne téléphonique ouverte par les mormons dans le but de donner des conseils en cas de problème. Ses interlocuteurs l’auraient dissuadé de joindre la police ou des travailleurs sociaux. En effet selon les responsables de l’Eglise, le clergé serait dispensé de faire des signalements en raison d’un privilège ecclésiastique, en cours en Arizona, qui protège le secret de la confession. La loi de l’Arizona stipule pourtant que « le clergé, les médecins, les infirmières ou toute personne s’occupant d’un enfant, qui croient raisonnablement qu’un enfant a été abusé ou négligé, doit signaler l’information à la police ou au Département de la sécurité des enfants de l’État ». Mais cette loi permet aussi de dispenser le clergé de l’obligations de communiquer des informations reçues en confession s’il l’estime « raisonnable et nécessaire » selon la doctrine de l’Eglise. Si l’Eglise mormone condamne les abus sexuels sur mineurs, elle estime aussi que dénoncer les agresseurs pourrait les empêcher « de se confesser et de se repentir et de sauver leur âme ». C’est pourquoi, les procédures disciplinaires sont soumises à la plus grande confidentialité possible.
L’évêque, qui a confessé Adams une année après qu’il a avoué les faits, a aussi essayé de convaincre la femme de ce dernier de le dénoncer, mais elle refuse en raison de violences conjugales. Robert Kim Mauzy, l’évêque qui lui succédera ne fera pas mieux. L’Eglise, quant à elle, se contentera seulement d’excommunier Adams. Laissé libre d’agir en toute impunité, il abusera pendant sept ans de sa fille aînée, puis de sa petite sœur six semaines seulement après sa naissance.
C’est grâce à la police néozélandaise que l’homme sera confondu pour ses crimes en 2017. L’une des nombreuses vidéos mettant en scène les abus perpétrés sur ses filles avait été repérée après l’arrestation d’un pédophile néozélandais. Arrêté, Adams se suicidera en prison.
Mais cela n’a pas empêché trois des six enfants de la famille de porter plainte pour « négligence et conspiration en vue de dissimuler les abus sexuels sur mineurs », contre l’Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours et plusieurs de ses membres, dont les évêques Herrod et Mauzy.
Associated press s’est procuré des documents sous scellés d’une autre affaire d’abus survenue en Virginie occidentale. Les documents démontrent que le service d’assistance téléphonique serait un moyen de dissimuler les cas d’abus. Il aurait été ouvert en 1995 suite à une augmentation des poursuites judiciaires pour abus sexuels aux Etats-Unis. Les indemnisations obtenues par les victimes ont fait craindre aux mormons des procès coûteux.
Les appels reçus par le service d’assistance sont soumis à un protocole strict. Les écoutants ont pour consigne de ne conserver aucune information permettant d’identifier les protagonistes d’une affaire et doivent identifier si les abus ont pu être perpétrés par un responsable religieux. Ils ne doivent jamais conseiller à un prêtre de signaler un abus, les cas les plus sérieux étant transmis au cabinet d’avocats de l’Eglise couverts par le secret professionnel. Ce système aurait pu permettre à l’Eglise de dissimuler d’autres abus.
Face aux remous causés par ces révélations, les mormons ont réagi dans un communiqué dans lequel ils affirment que l’Eglise « enseigne et consacre d’énormes ressources et efforts pour prévenir, signaler et traiter les abus ». Ils ajoutent que « la nature et le but de la ligne d’assistance téléphonique de l’Église ont été sérieusement déformés dans un récent article de l’Associated Press ».
Selon un avocat de l’Église le clergé et ses avocats ont fait « des centaines de rapports » d’abus d’enfants aux autorités civiles en Arizona ces dernières années. Mais les enregistrements des appels étant systématiquement détruits, il est impossible de dénombrer les appels qui n’ont pas été transmis à la police ou aux responsables de la protection de l’enfance.
(Sources: APNews, 04.08.2022, East Idaho News, 09.08.2022 & Réformé.ch, 18.08.2022)