Les dérives sectaires d’une église évangélique coréenne

L’Express a enquêté sur l’Église baptiste de toutes les nations (EBTN), une communauté évangélique coréenne secouée depuis deux ans par des affaires de viols, de violences, d’abus de confiance et d’emprise mentale émanant notamment de son pasteur David Song.

Cette église baptiste d’origine coréenne se situe à Paris mais aussi à Roubaix et possède des ramifications dans plusieurs pays d’Afrique. En 2018, suite à une dispute familiale entre le pasteur, son épouse et ses enfants, ayant semé le trouble dans l’organisation, des membres de la communauté ont commencé à témoigner et à porter plainte contre David Song. Deux femmes l’ont accusé de viols et une instruction a été ouverte pour « viols commis par personne abusant de son autorité» et « viol sur conjoint ». Le pasteur a été placé en détention provisoire puis libéré sous caution.

Fin 2019, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a effectué un signalement à la justice en vertu de l’article 40 obligeant une autorité publique à alerter le procureur si elle a connaissance d’un crime ou d’un délit. Ce signalement fait état d’une emprise mentale et d’une éventuelle dérive sectaire attribuées à David Song sur des adeptes. Après ces différentes accusations, le pasteur a été écarté mais l’église existe toujours et deux pasteurs adjoints proches de David Song semblent encore en activité.

L’enquête de l’Express a permis de comprendre, à travers différents témoignages, le fonctionnement et notamment le prosélytisme et les méthodes de recrutement de l’EBTN. L’église cherche principalement à recruter des jeunes arrivant de Corée et encore un peu perdus face au changement de pays. Ces jeunes sont invités à des diners par des membres de l’organisation qui leur proposent de les aider dans différentes tâches administratives. Les dîners entre « compatriotes » se multiplient et les néo-arrivants se retrouvent à suivre des cérémonies de l’église, se sentant notamment redevables vis-à-vis des personnes qui les ont aidés. D’autres rencontrent des problèmes financiers et se rapprochent de la communauté qui offre le repas après les cultes. Certains membres sont recrutés avant même d’avoir posé le pied sur le sol français lors de tournées du groupe en Corée.

Les membres doivent passer un temps toujours plus important à l’église laissant notamment de côté leurs études. Les réunions, les cultes, les prières et les évènements sont quotidiens et ne pas y assister peut conduire à être rejeté du groupe. Certains membres sont logés dans des appartements appartenant à l’église et travaillent bénévolement à la confection des repas ou à la garderie des enfants du groupe. Les rencontres avec les personnes extérieures sont proscrites.

Les fidèles sont soumis à la surveillance d’une hiérarchie qui n’hésite pas à dénoncer au pasteur les différents contacts extérieurs que peuvent avoir les fidèles.

Les adeptes ont aussi l’obligation de consacrer une partie importante de leurs ressources au groupe pour les offrandes, la dime, la participation aux évènements et aux différents
frais. Sous emprise, les adeptes n’arrivent pas à quitter le groupe car ils ont peur de la solitude et de la réaction du pasteur. C’est seulement lorsqu’éclatent les premières affaires mettant en cause David Song que la grande majorité des adeptes ont fui le groupe.

(Source : L’Express, 08.11.2020)

  • Auteur : Unadfi