Le témoignage de Camille sur la biodynamie fait couler de l’encre   

L’agriculture biodynamique1, dont le fonctionnement repose sur les concepts ésotériques développés par Rudolf Steiner, le père de l’anthroposophie, attire de plus en plus d’agriculteurs soucieux d’aller plus loin dans le bio. S’appuyant sur un témoignage publié sur le site de l’Unadfi2, Vitisphère interroge ses lecteurs sur cette pratique dans sa rubrique « Remise en question ».

Camille B. n’était pas agricultrice, mais elle s’est plongé une dizaine d’années dans cette pratique agricole à la faveur d’une reconversion professionnelle dans la viticulture. Saisonnière dans les vignobles, elle est rapidement séduite par l’idée d’un monde interconnecté portée par la biodynamie. De fil en aiguille elle s’est intéressée à son fondateur, Rudolf Steiner, et a cherché une personne qui puisse l’aider à comprendre ses textes, en particulier le Cours aux agriculteurs, la série de conférences datant de 1924 qui a posé les bases de cette pratique.

Durant son parcours dans le milieu de la viticulture, elle a rencontré des vignerons en biodynamie plus ou moins imprégnés de croyances anthroposophiques liées à l’existence d’êtres magiques qui aideraient les plantes à pousser. Selon l’un des vignerons pour lequel elle a travaillé, Steiner aurait eu accès aux annales Akashiques (mémoires universelles) qui lui auraient permis d’avoir des connaissances sur toutes les disciplines, sans les avoir pratiquées.

Intéressée par les décoctions à base de plantes et autres produits censés favoriser les plantations, elle devient préparatrice en biodynamie. Ses croyances bien ancrées, elle raconte avoir été « méprisante, véhémente et même parfois grossière » avec ceux qui n’y adhéraient pas. Elle regrette aujourd’hui ses « leçons de vie prodiguées aux paysans en fin de carrière ».

Son parcours dans la biodynamie s’arrête brusquement après la lecture des trois tomes de la bande dessinée Cosmobacchus de Jean-Benoit Meybeck. Elle réalise qu’elle n’avait qu’effleuré la pensée occulte de Steiner (par exemple, selon lui la lune serait constituée de corne de vaches vitrifiées…) et reproche désormais aux adeptes de l’anthroposophie de l’avoir maintenue dans l’ignorance de ces concepts occultistes.

Pour elle la « biodynamie avance masquée en évitant de détailler ses fondements occultes, pour mieux promouvoir au final un mode de pensée anthroposophique ».

Contactée par Vitisphère, le Mouvement de l’Agriculture BioDynamique (MABD) n’a pas donné suite. L’article rappelle que, dans une tribune de 21 novembre 2022, ce mouvement et le label  Demeter3 regrettaient des articles et émissions « qualifiant l’agriculture biodynamique de non scientifique, d’ésotérique, voire de pseudo agriculture fondée sur des croyance ». Et Demeter précise sur son site que « les pratiques biodynamiques, même si certaines comme les préparations biodynamiques peuvent surprendre au premier abord, sont tout à fait transparentes ».

Le journal 20 Minutes s’est, lui aussi, penché sur cette forme d’agriculture à l’occasion des nombreuses foires aux vin du début d’automne. Il relève que peu d’études scientifiques auraient été menées sur la question. Si selon certaines d’entre elles, la qualité écologique des sols serait meilleure, ce serait davantage en raison de l’attention portée par les viticulteurs à leur parcelle qu’en raison de l’efficacité des préparations biodynamiques. Ces dernières sont dynamisées (mélangées) selon le même principe que les préparations homéopathiques et « pulvérisées sur le sol » à « dose homéopathiques ». Ce sont ces principes, non « soutenus par les données actuelles de la science », qui ont conduit au déremboursement de l’homéopathie, rappelle 20 Minutes. Le journal précise également que le travail en fonction des cycles cosmiques n’a pas démontré son efficacité à ce jour.

Mais cela n’empêche pas l’augmentation du nombre d’exploitations adhérant au label Demeter qui est passé de 985 à 1124 en deux ans.

20 Minutes a lui aussi évoqué le témoignage de Camille B. qui reproche à la biodynamie de l’avoir amenée à un système de croyances ésotériques.

(Sources : 20 Minutes, 14.09.2023 et Vitisphère, 20.09.2023)

1. Pour en savoir plus sur l’anthroposophie et la biodynamie, consulter les pages consacrée à ces sujets sur site internet de l’Unadfi: https://www.unadfi.org/mot-clef/anthroposophie/

2. Lire « In vino veritas : Biodynamie et déraison », le témoignage de Camille B. sur le site de l’Unadfi : https://www.unadfi.org/non-classe/in-vino-veritas-biodynamie-et-deraison/

3. Demeter est le label de certification de l’agriculture biodynamique. Les produits certifiés doivent respecter le cahier des charges de l’agriculture biologique auquel s’ajoute celui de l’agriculture biodynamique qui préconise d’utiliser diverses préparations comme la corne de bouse ou des décoctions conservées dans des vessies de cerfs.

  • Auteur : Unadfi