En quinze ans, le nombre d’églises évangéliques en France a fait un bond de 50 %. Le Conseil national des Évangéliques de France (CNEF) a récemment adopté une charte pour encadrer leur engagement sociétal, soulignant « un attachement à la liberté religieuse et à une évangélisation non coercitive ».
Ils étaient 50 000 en 1950. Les pratiquants évangéliques réguliers sont aujourd’hui 750 000 en France. Ils pèseraient plus de la moitié du protestantisme français et seraient même proches du million si l’on compte les pratiquants occasionnels. À l’échelle mondiale, le mouvement évangélique, toutes obédiences confondues, représente un quart des deux milliards de chrétiens. En France, cette progression se traduit par une forte expansion des lieux de culte, passés de 2 000 à 3 000 en moins de quinze ans. L’objectif affiché à terme est de disposer de 6 200 lieux de culte, soit un pour 10 000 habitants. Par comparaison, 2 600 mosquées ou salles de prière musulmanes sont comptabilisées par le ministère de l’Intérieur. Quant aux 9618 paroisses catholiques actives (pour 42 258 églises bâties) elles sont désormais fréquentées par moins de deux millions de fidèles chaque dimanche, avec une évolution démographique très défavorable.
Chaque année, des sessions sont organisées pour former des « implanteurs d’églises » et des pasteurs, afin de répondre à cette croissance. Autrement dit « créer des lieux de culte à partir de rien ».
Une galaxie de communautés
Les Évangéliques misent sur l’engagement social et la diversité culturelle. À Strasbourg, plusieurs paroisses se sont ainsi associées pour créer un café associatif, favorisant l’intégration sociale dans un quartier où cohabitent plus de 70 nationalités… qui ne se parlaient pas. Ce lieu, fréquenté quotidiennement par une centaine de personnes, offre des cours de français à plus de 200 habitants et accompagne des personnes dans leur intégration. L’exemple de Thomas Poëtte, pasteur à Lyon, illustre aussi cette dynamique. Il organise des concerts de Gospel pour se faire connaître et milite pour « une évangélisation relationnelle et respectueuse des libertés individuelles ». Les églises évangéliques, notamment à Lyon et Marseille, montrent une capacité d’adaptation aux milieux populaires et aux défis sociaux. Mais les Évangéliques ne forment pas un bloc uniforme. Il s’agit plutôt d’une galaxie de communautés hétérogènes, avec des différences assumées. D’où la création, en 2010, du Conseil National des Évangéliques de France (CNEF), qui regroupe aujourd’hui 70 % des 3 000 églises évangéliques et œuvre pour l’unité du mouvement. Un travail résumé dans un petit ouvrage très précis intitulé Bâtir des ponts (Excelsis éditions). La nouvelle charte du CNEF, intitulée, elle, « Ensemble engagés dans la société », affirme une volonté de participer au dialogue sociétal sans imposer d’opinions, refusant de donner des consignes de vote et se désolidarisant de toute stratégie hégémonique.
Les Évangéliques français veulent offrir « une alternative spirituelle dans un contexte de crise identitaire ». Leur engagement social, couplé à une évangélisation respectueuse, contribue à leur attractivité croissante. Selon Erwan Cloarec, président du CNEF, ils prônent « une posture aimante et servante, loin de toute tentation de conquête ou de retrait, participant activement à la vie sociétale ». Et surtout, dit-il, « nous respectons une liberté de conscience ».
(Source : Le Figaro, 17.06.2024)