« La secte » : une série documentaire à voir sur Salto

Le réalisateur Bruno Joucla revient sur les drames liés à l’Ordre du Temple Solaire (OTS) qui ont secoué la Suisse, la France et le Canada dans les années 1990. Entre images inédites et interviews exclusives d’anciens adeptes et de spécialistes du phénomène comme Jean-Pierre Jougla, cette série nous plonge au cœur de cette secte New Age en 4 temps : l’effroi, l’emprise, le déclin et le deuil.

Dix ans après sa naissance, le groupe néo-templier créé à Genève en 1984 a été au centre d’une série d’évènements tragiques. En effet, c’est à l’automne 1994 que 48 personnes sont retrouvées mortes en Suisse dans des fermes incendiées. D’autres décès, notamment des suicides collectifs, seront ensuite constatés en France et au Québec. Un bilan estimé à 74 victimes en 3 ans, toutes membres de l’OTS.

Des anciens du groupe prennent la parole pour expliquer la quête de spiritualité qui les animait à l’époque mais aussi le pouvoir des orateurs et manipulateurs fondateurs du mouvement. Cette emprise mentale qu’ils ne percevaient pas les poussait autant à suivre les rituels imposés qu’à donner de l’argent. L’un d’entre eux, Yannick, raconte son endoctrinement. A 25 ans, après avoir quitté la religion catholique, il recherche une nouvelle forme de spiritualité. Il se penche sur les Templiers, ces moines soldats qui se mettent au service du monde. L’OTS, d’inspiration New Age, le séduit. Il pense pouvoir ainsi se rapprocher des maîtres cosmiques. Mais outre sa quête de sens personnelle, c’est Luc Jouret qui a joué un rôle décisif dans l’intégration de Yannick à la secte. Cet homéopathe conférencier au charisme indéniable va le persuader de changer le monde avec l’OTS. Puis, Joseph dit Jo Di Mambro, considéré aussi comme manipulateur en chef, va contribuer à son tour à l’enrôlement progressif de Yannick et de sa femme, malgré les alertes de leurs proches. Cependant, si cet homme peut témoigner face à la caméra aujourd’hui, c’est parce qu’il a échappé aux drames de 1994. Sa femme et lui ont vu Luc Jouret sombrer dans une folie paranoïaque après qu’il a cherché à armer la secte, qu’il a été poursuivi par la police et même arrêté une première fois au Canada. L’évolution de l’état psychologique du fondateur les a inquiétés au point de s’échapper du mouvement. De son côté, Jo Di Mambro était probablement atteint d’un cancer en phase terminale. Le mouvement atteignait une limite.

Acculés par la folie, la maladie ou la police, les deux créateurs de l’OTS se seraient finalement donné la mort avec d’autres adeptes le 5 octobre 1994. Un procès s’est tout de même tenu a posteriori. Le principal accusé encore vivant, le chef d’orchestre international Michel Tabachnik, poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs, finit par être relaxé. L’affaire est définie comme « injugeable », notamment puisque les vrais responsables sont décédés. Il faut aussi rappeler que le délit de manipulation mentale n’existait pas encore à l’époque du procès.

A l’issue de cette enquête documentaire, beaucoup de mystères persistent, et particulièrement autour du rôle de l’entreprise canadienne nationalisée Hydro Québec qui fut un centre névralgique de l’OTS.

Quant aux victimes, elles apprennent à retrouver leur liberté, tâche ardue après un tel « viol psychique » (J-P Jougla). 

(Sources : France Inter, 16.09.2022 & Ouest France, 18.09.2022)

  • Auteur : Unadfi