Avec des millions d’adeptes et pas moins de sept mille congrégations à travers le monde, Iglesia ni Cristo (INC), ou Eglise du Christ, est l’un des mouvements sectaires les plus prolifiques de ces dernières années. Affichant sa puissance de la Corée du Sud à l’Afrique du Sud, en passant par les Etats-Unis, il ne semble pas ébranlé par les critiques.
La plupart des Américains ne connaissent pas ce mouvement chrétien d’origine philippine alors qu’il compte trois-cent-quarante congrégations dans le pays. Il a récemment acquis des villes entières dans le Connecticut et le Dakota du Sud.
Connu pour son fonctionnement communautariste, le groupe prend intégralement en charge l’éducation de ses enfants (écoles, universités, loisirs sportifs et culturels…).
Mais il s’est également fait connaître par les récits d’anciens membres. Au moins trois d’entre eux ont obtenu l’asile au Canada au cours des deux dernières années en raison de menaces de mort. Plusieurs ont affirmé avoir été harcelés pour avoir critiqué le mouvement : « Lorsque les membres posent des questions … ils sont automatiquement considérés comme des traitres », a déclaré Liezl Deocampo, californienne excommuniée en 2015 avec sa famille. Sous peine d’être expulsés, les membres doivent se soumettre aux exigences du mouvement : assister assidument aux services du culte, mener une vie de « saint » telle que définie par l’INC et ne jamais rien faire qui puisse nuire au groupe. L’INC nie systématiquement toute accusation d’intimidation.
Mais en 2015, après la publication de critiques par des auteurs anonymes, plusieurs membres ont été expulsés.
Angel Manalo, frère du dirigeant Eduardo Manalo, a affirmé avoir été menacé et que des responsables avaient été enfermés pour avoir tenté de dénoncer la corruption au sein de l’exécutif. Edouardo Manalo a exclu Angel du groupe ainsi que sa mère et deux autres de ses frères et sœurs coupables, selon lui, de la polémique.1
Lowell Menorca a affirmé que des membres de la secte, dont un responsable, l’avaient enlevé, interrogé et avaient ensuite tenté de le tuer en l’enfermant dans une voiture munie d’une grenade qui n’a pas explosé. Il est parvenu à s’enfuir et à atteindre le Canada qui lui a accordé l’asile comme à Rovic Canono, autre membre excommunié.
Jose Norilito de Luna Fruto, citoyen américain vivant aux Philippines, ayant appuyé le témoignage de Lowell Menorca, a été abattu dans sa voiture. Cette affaire ainsi que d’autres assassinats suspects impliquant INC n’ont jamais été élucidés.
Fin 2018, une équipe de journalistes de la CBC, chargée d’enquêter sur les affirmations de Menorca, s’est présentée à une réunion en Californie où parlait Eduardo Manalo. Tentant d’interviewer Manalo, son équipe de sécurité les a repoussés. Lorsqu’ils sont retournés à leur voiture, ils ont trouvé leurs pneus lacérés. Suite à la diffusion de leur émission d’investigation2, le mouvement a porté plainte contre le média pour diffamation, déclarant que les allégations étaient malveillantes et portaient atteinte à l’intégrité, à la réputation de l’INC et de ses filiales.3
(Source : World Magazine, 14.02.2019)
1. Lire sur le site de l’UNADFI : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/un-ancien-membre-et-sa-famille-menaces-de-mort/
2. https://newsinteractives.cbc.ca/longform/canadian-dead-philippines-church-iglesia-ni-cristo