La megachurch canadienne Meeting House, un cas emblématique

En 2021, une première accusation d’abus sexuels contre une célèbre figure de l’Eglise Meeting House a été suivie d’une cascade de révélations, prouvant qu’il ne s’agissait pas de cas isolés, mais que l’Eglise fonctionnait sur un schéma installé et récurrent qui permettait aux dirigeants successifs de commettre ce type de méfaits.

Il existe aujourd’hui 1800 « megachurches » en Amérique du Nord, dont 35 se trouvent au Canada. Fondée en 1985, Meeting House est une église d’obédience anabaptiste qui réunissait à l’origine seulement un petit groupe de personnes pour des séances d’étude de la Bible. Vingt ans plus tard, environ mille personnes se retrouvaient le dimanche dans un entrepôt aménagé. L’église misait déjà à l’époque sur le distanciel, puisque les sermons étaient diffusés en direct aux fidèles éparpillés dans les régions reculées du Canada. Au fil des années, Meeting House est devenue une des églises les plus populaires du pays, attirant de nombreux jeunes de moins de vingt-cinq ans. En plus des sermons, de nombreuses activités leur étaient proposées : sorties au bowling, retraites le week-end, séances de cinéma, mais aussi de nombreux ateliers d’échanges sous forme de questions-réponses avec comme thèmes prépondérants les relations amoureuses et la sexualité. En se constituant l’image d’une église à l’atmosphère relâchée, à la doctrine souple et en capacité d’aborder tous les sujets sans censure, l’église a créé un cadre où les jeunes avaient la sensation de fréquenter des amis, et non des pasteurs ou des mentors.  Aujourd’hui, le grand nombre d’accusations de harcèlement et d’attouchements sexuels – certaines victimes étaient mineures à l’époque – contre plusieurs pasteurs et responsables de groupes de jeunes mettent en lumière l’existence de problèmes d’ordre structurel qui ont perduré pendant plus de vingt ans, à savoir la protection systématique des leaders. C’est un problème qui semble inhérent au fonctionnement de ces églises, qui n’appartiennent à aucune institution et dont l’image repose bien souvent toute entière sur le pasteur, fréquemment traité comme une quasi-célébrité. Il y a quelques années, c’est l’église Mars Hill qui a dû être dissoute après que le pasteur Mark Driscoll a été reconnu coupable de violences d’ordre spirituel, de plagiat et de détournement de fonds. Plus récemment, la megachurch Hillsong a traversé une crise après la démission de son fondateur et dirigeant Brian Houston. Des plaintes pour comportements déplacés avaient été déposées contre lui. La série documentaire « Hillsong : a megachurch exposed » sortie au début de l’année 2022 contenait des témoignages d’ex-adeptes ou de critiques qui dévoilaient la façon dont étaient systématiquement dissimulés les faits d’agressions sexuelles et d’abus spirituels de la part de certains de ses dirigeants.

(Source : The Walrus, 01.02.2023)

  • Auteur : Unadfi