France Inter a consacré son émission « La tête au carré », du 10 octobre 2013, au tourisme chamanique. Étaient invités Jean-Loup Amselle (Jean-Loup Amselle est anthropologue et ethnologue Directeur d’études à l’EHESS et rédacteur en chef des Cahiers d’études africaines.) qui vient de publier Psychotropiques. La fièvre de l’ayahuasca en forêt amazonienne et Vincent Ravalec, auteur et réalisateur, qui a témoigné dans deux ouvrages[1] de son expérience chamanique.
L’ouvrage d’Amselle est le fruit de quatre années d’enquête sur le chamanisme. Il analyse le tourisme chamanique centré sur l’ayahuasca, qui découle de la forêt amazonienne « berceau des plantes », comme une filière économique. Interviennent dans cette filière un certain nombre d’acteurs, propagateurs ou apôtres de la « foi chamanique » qui propagent l’idée qu’il y a un accès vers d’autres mondes. Amselle parle de ces figures qui ont joué un rôle majeur comme Jan Kounen, Jérémy Narbi et Vincent Ravalec qui prétendent que l’ayahuasca est une plante visionnaire. Pour l’auteur, ce « petit milieu de la foi chamanique » a joué un rôle important dans l’expansion du tourisme chamanique en Amazonie.
Ravalec se défend d’être un apôtre de la foi chamanique et relativise le business généré par ce tourisme. Il a expérimenté le chamanisme en Afrique et en Amazonie dans le cadre d’une quête existentielle qui l’a fait voyager. Il a consommé de l’ayahuasca et de l’iboga. Néanmoins, pour Amselle, l’ouvrage de Ravalec Plantes et chamanisme est « comme le Gault et Millaud du tourisme chamanique ».
Alors que Ravalec explique que ces expériences lui ont permis de se tourner vers la science, Amselle regrette que certains scientifiques fassent des amalgames entraînant une spiritualisation de la Science.
Amselle rappelle qu’on est loin des chamans d’autrefois perdus dans la forêt amazonienne. Le tourisme chamanique se pratique aujourd’hui dans la jungle périurbaine. Dans la banlieue d’Iquitos ou de Tarapoto, on trouve des campements, comme l’Anacunda cosmique, avec des pièces communes qui ne contiennent que des matelas posés à-même le sol et des seaux pour vomir. Ces pièces accueillent quinze à vingt personnes auxquelles on demande 50 à 70 dollars par jour (une employée du centre gagne 250 dollars par mois).
Ravalec pense que les expériences urbaines sont moins bonnes qu’en pleine forêt amazonienne, bien qu’il ne soit pas réellement convaincu par la culture locale, celle des Shipibos, évoquant « l’esprit de la plante ». La démarche de Ravalec n’était pas une recherche thérapeutique. Il admet même que le chamanisme ne guérit pas et qu’il a vu nombre de chamans malades. Mais pense que ce genre d’expérience peut quand même guérir…
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À voir également l’[interview de Jean-Loup Amselle réalisée lemondefr.
[1] Plantes et chamanisme (Mama Editions, 2008) et Ngenza, cérémonie de la connaissance (Presse de la Renaissance, 2004).