Joao De Deus, un guérisseur new age

Le guérisseur brésilien João De Deus, de son vrai nom Texeira Faria, jouit d’une renommée internationale. A la Casa Dom Ignacio de Loyola, son centre situé à Abadiânia, il reçoit des milliers de personnes en quête de soins ou en recherche spirituelle. Cristina Rocha, une anthropologue brésilienne, a décidé d’étudier la communauté pendant plusieurs années afin de comprendre pourquoi il suscite une si grande attraction. Elle a mis en évidence qu’au-delà de la guérison se dégageait de plus en plus une dimension religieuse.

João De Deus, né en 1942 d’une famille pauvre, aurait eu sa première vision à l’âge de seize ans. Sainte Rita lui aurait dit de se rendre dans un centre spirite Allan Kardec. Là, souffrant et inconscient, il aurait soigné de nombreuses personnes en « incorporant » l’entité du roi Salomon. João ne soigne pas, ce sont les 30 à 40 entités qu’il peut incorporer qui le font à travers lui. Celles-ci sont des esprits désincarnés qui agissent depuis d’autres plans.
En 1979, il s’installe à Abadiânia.

A la Casa Dom Ignacio rien n’est laissé au hasard car chaque session de guérison (6 par semaine) draine un millier de personnes. Tous les visiteurs doivent être vêtus de blanc. Dès leur arrivée, ils sont invités à une prière commune, en plusieurs langues. Puis des volontaires présentent le centre et classent les nouveaux arrivants en fonction de différents critères (nouveaux visiteurs, pathologie…).

Vient ensuite le rituel de guérison. Les visiteurs sont d’abord invités à entrer dans « la salle du courant » où ils seront nettoyés de leurs mauvaises énergies par des méditants. Puis ils pénètrent dans « la chambre de l’entité ». Dans la troisième chambre, la « salle d’opération », João De Deus dispense ses soins différant selon la nature des problèmes rencontrés : prescription de plantes médicinales, chirurgie invisible jusqu’à la spectaculaire chirurgie visible au cours de laquelle il lui arrive d’entailler son patient avec un scalpel. Cette dernière est pratiquée en public, sur une estrade. Aux soins s’ajoute l’utilisation de différents accessoires tels que de l’eau « énergétisée » et de la soupe bénie par les entités ou l’utilisation de lit de cristaux.

Une fois le soin achevé, il est conseillé aux patients d’éviter de se rendre auprès d’autres guérisseurs afin de ne pas subir les conséquences néfastes d’une interaction entre des énergies différentes.
Cristina Rocha a noté des points communs entre les visiteurs. Ce sont souvent des personnes déçues par la médecine conventionnelle qui trouvent dans les explications de João un sens à leur maladie (karma, attaque d’esprits inférieurs). Elles ont l’impression d’avoir plus de contrôle sur leur corps et se sentent protégées par les entités. Même un décès n’est pas un échec, car la personne peut avoir été guérie spirituellement et les énergies reçues peuvent l’aider à rejoindre d’autres plans.

João ne propose aucun enseignement religieux, cependant Cristina Rocha a discerné dans sa pratique tout un arrière-plan spirituel puisé dans trois sources : le catholicisme, le spiritisme et l’umbandisme (mélange de spiritisme et de religion africaine) auquel il mêle des éléments issus de la tradition théosophique (Maîtres ascensionnés).

Ce syncrétisme et le discours new age (karma, entités, énergie…) utilisé par João ont facilité l’internationalisation du mouvement. Les nombreux guides accompagnant les visiteurs étrangers sont des traducteurs spirituels qui « glocalisent »1 les croyances et pratiques du guérisseur pour les adapter à la vision du public étranger.

Les visiteurs en quête de sens viennent de façon répétée au centre qui devient « leur foyer spirituel ». Une fois rentrés chez eux, « leur nostalgie de ce lieu les pousse » à créer des communautés au sein desquelles ils pourront pratiquer les mêmes rituels (prières, invocation d’entités, méditation) avec des personnes partageant leur attirance. Néanmoins Cristina Rocha constate que, comme bien souvent avec le nouvel âge, leur pratique n’est pas exclusive et englobe d’autres figures spirituelles.

Pour Cristina Rocha, on assiste à la naissance d’une véritable communauté internationale dont Joao De Deus contrôle l’ouverture de chaque nouveau centre. Pour renforcer cette communauté, la Casa Dom Ignacio propose de nouveaux rituels tels que des mariages ou des baptêmes placés sous la protection des entités.

Mais Joao De Deus, âgé, a été récemment traité par chimiothérapie pour un cancer et l’anthropologue s’interroge sur l’avenir de la communauté lorsqu’il aura disparu, d’autant que rien n’est prévu en matière de succession. Est-ce que la Casa deviendra un lieu de pèlerinage où les gens viendront en quête de miracles ?

(Source : Religioscope, Jean-François Mayer, 27.05.2017)

1- Formé des mots globalisation et localisation, ce néologisme définit « l’adaptation spécifique d’un produit ou d’un service à chacun des lieux où il est vendu, ou à chacune des cultures à laquelle il s’adresse ».

NDLR : De nombreux anciens visiteurs de la Casa Dom Ignacio, adeptes des médecines alternatives, font la promotion des pratiques de Joao De Deus et organisent des voyages au Brésil dans le but de participer à une session de guérison. La France n’est pas épargnée par ce phénomène et plusieurs dizaines de thérapeutes se proposent comme accompagnateurs et intermédiaires pour rencontrer le guérisseur. L’Unadfi a déjà reçu plusieurs signalements concernant des abandons des soins suite à la visite de la Casa Dom Ignacio par des personnes atteintes de pathologies graves.