Après la Communauté de l’Arche de Jean Vanier, il y a deux mois environ, c’est maintenant au tour de Georges Finet, le fondateur des Foyers de Charité d’être au coeur d’un scandale. Un audit externe lancé en septembre 2019, dont les conclusions ont été publiées le 7 mai 2020, révèle que durant 40 ans il se serait rendu coupable d’attouchements sexuels sur des enfants lors de séances de confessions.
Les Foyers de Charité sont nés en 1936 à Châteauneuf-de-Galaure, dans la Drôme, l’endroit où Marthe Robin a vécu toute sa vie alitée jusqu’à sa mort en 1981. Georges Finet a concrétisé le voeu de la mystique en créant des communautés mixtes, au sein desquelles les membres religieux et laïcs pourraient vivre en mettant leurs biens matériels en commun. Aujourd’hui répartie sur tous les continents, la communauté compte 970 membres qui reçoivent dans leurs 78 foyers près de 50 000 retraitants par an. Certains abritent aussi des écoles.
L’audit dont les conclusions ont été rendues en début de mois avait été demandé par les responsables de la communauté suite à des allégations d’abus sexuels portées à l’encontre du fondateur. Il a été réalisé par un collège d’experts extérieurs au mouvement, « chargés d’établir la vérité sur les faits reprochés à l’abbé Finet. Mais aussi d’évaluer les mesures des Foyers de charité contre les abus sexuels et de conscience, et de faire des préconisations pour l’avenir. »
Sur les 143 témoignages reçus par la commission, 26 personnes ont raconté comment le père Finet avait abusé d’elles lors des confessions. Entre 1945 et 1983, période où les faits se sont déroulés, le modus operandi a toujours été le même. Tard le soir, il invitait des jeunes filles âgées entre 10 et 14 ans à venir confesser des péchés qui avaient toujours pour objet la sexualité. Durant les entretiens, il leur imposait des caresses sur diverses parties du corps (dos, seins, fesses) tout en les soumettant à un interrogatoire stéréotypé qui ne s’interrompait que lorsqu’elles finissaient par avouer « leurs fautes ». Pour ces jeunes filles, il était impossible de remettre en question l’autorité du prêtre et leur témoignage a révélé une souffrance toujours vive, même après de longues années.
Les 117 autres témoignages sont de teneurs diverses. Certains défendent le fondateur des Foyers de charités, d’autres confient avoir vécu des entretiens ambigus, mais sans attouchement.
Le rapport a aussi révélé un autre problème majeur pour les Foyers de charité, la toute-puissance du père Finet au sein de la communauté ainsi que celle des chefs de foyers à sa suite, alors que selon les vœux de leur inspiratrice Marthe Robin le fonctionnement des Foyers aurait dû être basé sur la complémentarité entre prêtres et laïcs. Pourtant, il semble qu’il y ait eu « un culte de la personnalité », « une difficulté à se remettre en cause », « une certaine intransigeance ». Quoiqu’il ait pu faire, « on lui pardonne tout ».
La place démesurée occupée par le père Finet lui a donné l’occasion de mettre en place un système où « la critique est considérée comme un péché mortel », où le fidèle se doit d’être obéissant et d’un « dévouement à toute épreuve ».
Ce fonctionnement est devenu une règle et s’est répété dans toute la communauté. L’obéissance inconditionnelle au père du Foyer a favorisé un système d’emprise propice aux déviances. De graves dérives ont conduit certains responsables de Foyer devant la justice pour des accusations diverses : « abus de pouvoir, agressions sexuelles, abus spirituels ou encore abus financiers ».
Face aux dysfonctionnements pointés par le rapport, la commission propose plusieurs pistes pour améliorer la situation des Foyers de charité : « clarifier le processus de désignation des “pères de Foyer”, travailler le discernement, revoir et renforcer la formation initiale, consolider la cellule sur les abus, repenser la place du prêtre ».
Reconnaissant les manquements de leur fondateur et les problèmes de gouvernance interne, les responsables des Foyers de charité ont annoncé un audit général de toutes les communautés et leur volonté de réorganiser leur cellule d’écoute en faisant intervenir des personnes extérieures au groupe.
(Source : La Vie, 07.05.2020)