Le Journal de Montréal a enquêté sur l’église Parole Qui Libère (PQL). Il a recueilli les témoignages de plusieurs ex-adeptes qui racontent leurs années passées au sein du mouvement dirigé par « l’apôtre » Patrick Isaac et sa femme Éliane.
Niorline Charlot est entrée dans le mouvement à 19 ans, sur les conseils d’une amie. Étudiante en art cinématographique, elle est rapidement séduite par l’ambiance jeune ponctuée de chants et de danses, puis par le pasteur qui lui promet la gloire. Mais le succès a un prix et elle doit toujours donner plus : une dîme, son premier mois de salaire de l’année, puis participation à l’achat de cadeaux (voitures, voyages…) au pasteur et à sa femme. Malgré son modeste salaire, elle donne sans compter.
En 2012, elle finit par crouler sous les dettes malgré les promesses de miracles financiers (promesses qui lui coutaient 1500 dollars). Obligée de se déclarer en faillite personnelle elle ouvre les yeux et s’aperçoit que les fidèles sont, pour la plupart, malheureux et ruinés alors que le couple mène un train de vie luxueux. Elle remet en question les enseignements du leader qui utilise la peur pour faire obéir ses fidèles, soutenant que leur vie est entre ses mains. En 2013, elle décide de quitter le mouvement.
Avec le recul, elle a pris conscience que le couple dirigeant avait pris le contrôle de sa vie, qu’elle ne prenait plus de décision par elle-même. Avec une dizaine de fidèles sélectionnés, elle avait intégré le « commando » d’Isaac pour l’épauler dans sa mission apostolique. Ce « privilège » leur valait d’être encore plus sollicités que les autres : plus de dons, plus d’obligations.
Pour s’enrichir, Patrick Isaac promet à ses adeptes des miracles et une réussite financière, selon la théologie de la prospérité1. Un bâtiment d’une valeur de deux millions de dollars, le Centre Action, construit et entretenu par les fidèles, abrite l’église. De nombreuses célébrités en seraient membres. Le Centre Action et Eliane Isaac seraient à la tête de plus de 35 sociétés aux activités variées : enseignement de l’évangile, cours de cuisine, ligne de vêtements…
Les ex-adeptes interviewés par le Journal de Montréal affirment avoir laissé plusieurs milliers de dollars à l’église. Cependant, le pasteur aurait de graves soucis financiers. En 2016 il aurait subi une faillite personnelle et le fisc canadien lui réclamait d’importantes sommes d’argent. Ses dettes totales sont estimées à 882 000 dollars. Fin 2017, le service chargé de la perception des impôts a inscrit une hypothèque légale sur le Centre Action afin de récupérer des impôts impayés.
Les témoignages collectés montrent que le couple attire des personnes fragiles, vulnérables avec un passé difficile afin de pouvoir mieux insuffler un climat de peur et utiliser le chantage pour les adeptes récalcitrants. Les adeptes doivent jeûner au moins une fois par mois, plus encore pour les membres du commando. Le groupe s’arrange pour que toutes les activités du fidèle se déroulent au sein de la communauté afin de l’isoler de sa famille et de ses proches.
Steve Rasier, pasteur et bras droit de Patrick Isaac, nie les accusations de manipulation et d’emprise. Il pointe du doigt la faiblesse de l’enquête soulignant que les témoignages émanent de quelques anonymes alors que des milliers de personnes sont très heureuses au sein du groupe. Il tient à rappeler que les fidèles n’ont aucune obligation financière et donne ce qu’ils veulent. Pour les miracles, il rappelle que Dieu n’a pas besoin d’argent pour guérir et bénir.
De son côté l’association Info-Secte affirme avoir reçu plusieurs signalements concernant PQL entre 2010 et 2016.
(Sources : TVA Nouvelles, 29.01.2018 & Le Journal de Montréal 29.01.2018 & 30.01.2018 & HuffPost, 05.02.2018)
1. Lire sur le site de l’UNADFI, L’évangile de la prospérité : https://www.unadfi.org/groupe-et-mouvance/l-evangile-de-la-prosperite