Des signalements sur une association de prière royaliste

Fondé par une certaine « Virginie », 61 ans, qui affirme que « le Seigneur lui parle et lui donne des visions depuis 1994 », l’Alliance des cœurs unis réunirait aujourd’hui près de 2 700 membres. Depuis mars, cette association a fait l’objet de plusieurs signalements auprès de la cellule dérives sectaires de l’épiscopat.

Virginie, de son vrai nom Gaëtane de Lacoste Lareymondie, était journaliste pour une revue de spiritualité, Chrétiens magazine. En 1992, dans le cadre d’un pèlerinage en Bosnie-Herzégovine, elle rencontre une dentiste, Christine, qui lui demandera de retranscrire et publier les messages que Martine L., une autre voyante, reçoit du Christ. Un groupe se crée alors et publie des écrits aux Editions Resiac (Le Roi choisi par Dieu, Seul l’amour sauvera le troisième millénaire, tomes 1, 2 et 3). Depuis l’an 2000, le Christ aurait annoncé à Martine que les descendants des Bourbons et des Capétiens allaient revenir gouverner la France. Un groupe se forme autour de Martine, qui très vite va se polariser autour de Virginie qui, témoigne publiquement de ses premières visions en 2008. Une chaîne de prière perpétuelle se met alors en place. Chaque membre, dispose de son « tour de garde », autrement appelé « jour de rose ». En 2014, les statuts de l’association « l’Alliance des cœurs unis » sont déposés auprès de la sous-préfecture de Bayonne (64). A cette époque, Virginie aurait « reçu du Christ » la demande d’écrire à l’évêque du diocèse, Mgr Aillet qui « accepte d’accompagner pastoralement l’Alliance » tout en restant prudent sur l’authenticité des révélations. Mariée depuis 1980, mère de cinq enfants, Virginie « se présente comme la « veuve » ou « l’épouse » du Christ qui « l’aurait embrassée sur la bouche lors d’une apparition. » « Il y aura d’autres Vendée », lui aurait dit Jésus, et Jeanne d’Arc lui aurait confié des messages lors d’une messe en Vendée. Virginie mêle ainsi discours politiques, monarchistes, propos sur le sacrifice et le martyre tout en prodiguant des conseils en développement personnel aux « roses » et aux « boutons de rose » (les 15-20 fidèles constituant le noyau dur de l’association).  Sans accuser le pape François d’être un apostat, elle évoque toutefois la vision, juste après son élection en 2013, « d’une boule noire à la tête de l’Eglise ».

Depuis mars, le responsable de la cellule des dérives sectaires dans les communautés catholiques, Mgr Jean-Luc Brunin a reçu des témoignages d’anciens membres de l’Alliance qui parlent d’« emprise », de « manipulation des esprits » ou encore d’une « impossibilité de quitter librement le groupe des roses ». Plusieurs prêtres et évêques jugent qu’une enquête canonique mériterait d’être ouverte. De son côté, Mgr Aillet estime ne pas avoir d’éléments suffisants pour mettre en cause les pratiques du groupe de prière. Pourtant, cette communauté «va à l’encontre de l’unité du corps ecclésial en ravivant passions et nostalgies », analyse Joachim Bouflet, historien spécialiste des phénomènes mystiques. Il ajoute que Virginie « verse dans le non-théologique » et que ses propos ressemblent surtout à « un programme politique royaliste » qui ambitionne de « sauver la France et l’Eglise ». Les roses sont étroitement liées à la droite catholique conservatrice, parmi les membres figurent la cofondatrice de la Manif pour tous Béatrice Bourges ou encore Caroline de Villiers, fille de Philippe de Villiers, qui prête régulièrement à l’association l’anneau attribué à Jeanne d’Arc acquis par son père. 

(Source : La Croix, 11.10.2022)

  • Auteur : Unadfi