Association condamnée mais pas dissoute

L’inauguration du nouveau siège de la Scientologie à Saint-Denis suscite des controverses alors que le mouvement cherche à séduire en marge des Jeux Olympiques de Paris. Malgré des accusations de prosélytisme, l’organisation américaine reste légale en France.

« L’Église de scientologie a entrepris depuis plusieurs années une stratégie de reconquête en Europe. Les JO de Paris seront l’occasion de séduire sportifs et touristes par des biais détournés, en proposant des activités connexes comme des massages ou des questionnaires de personnalité ». Arnaud Palisson, ancien analyste du renseignement, auteur d’une thèse en droit pénal sur le mouvement et du livre Grande enquête sur la Scientologie – Une secte hors la loi, en est persuadé : « Il va forcément y avoir des gens qui vont entrer en scientologie pendant les JO car c’est une vitrine énorme ! Mais ça ne veut pas nécessairement dire qu’ils vont y rester. Ça fait surtout partie d’une grosse opération de séduction ».

Qualification trompeuse

La municipalité a bien tenté d’empêcher l’organisation d’avoir pignon sur rue dans sa ville. Mais elle est restée démunie face à la juridiction française. Car malgré des dizaines de signalements, l’Église de scientologie demeure légale dans l’Hexagone. Elle opère sous le statut d’association loi de 1901. Le mouvement revendique 40 000 scientologues en France, les spécialistes estimant plutôt qu’ils seraient entre 1 000 et 2 000. Quel que soit le nombre, Arnaud Palisson estime « le mouvement dangereux et sa qualification trompeuse. C’est indéniablement une secte nocive ».

Bernadette Rigal-Cellard, professeure en études nord-américaines à l’université Bordeaux Montaigne et spécialiste des religions minoritaires, juge, quant à elle, qu’une analyse sociologique ne permet pas de désigner la Scientologie comme secte : « La secte est un groupe religieux qui se coupe d’une religion et de ses traditions, ce n’est pas le cas de la scientologie », souligne celle qui affiche ouvertement son amitié avec le représentant de la Scientologie en France. Selon la chercheuse, le terme d’« Eglise » est plus adapté à cette communauté. Ce qui fait bondir Arnaud Palisson : « Il faut arrêter d’opposer la secte et la religion, c’est une erreur fondamentale. Il y a des églises sectaires et des sectes qui ne posent pas de problème. La ligne de démarcation, c’est quand des infractions sont commises ».

Des condamnations sans dissolution

C’est le cas de la Scientologie, qui a été condamnée à plusieurs reprises et qui reste dans le viseur de la justice. Plusieurs informations judiciaires sont toujours en cours. Arnaud Palisson déplore une démonstration de force de l’organisation et un statut intouchable : « Elle prend racines et les pouvoirs publics ne font rien, parce que ce n’est pas une priorité et qu’on juge que la Scientologie est calme désormais. Pourtant, les affaires continuent. À chaque fois qu’ils vendent des séances aux adhérents, on peut poursuivre pour escroquerie. À chaque fois qu’une personne entame le programme de purification, on peut poursuivre pour exercice illégal de la médecine ». Pour  lui, « le sujet de la radicalisation a focalisé l’attention des magistrats et des services de renseignements ». De leur côté, les acteurs engagés dans la bataille contre les dérives sectaires « se concentrent aujourd’hui sur les innombrables signalements de praticiens de médecine alternative. Il n’y a pas beaucoup de signalements concernant la Scientologie car les gens qui sont dans ces organisations ne déposent pas plainte, ils sont endoctrinés. Pour autant, la situation est grave et on l’ignore ». D’après l’ancien officier de police, la solution est simple, même si la tâche se révèle fastidieuse. « Il faut aller en justice et obtenir la dissolution des groupes. Il y a des infractions caractérisées, il faut désormais mettre les moyens pour les poursuivre systématiquement et les condamner. Il faut avoir une approche de droit pénal et non de droit civil ». Et d’ajouter :  « En France, le système de l’anti-secte est basé sur les victimes alors qu’il faudrait se baser sur les atteintes à la société ». 

(Source : Slate, 29.04.2024)

  • Auteur : Unadfi