
Les « enfants indigo » sont censés posséder des dons spirituels hors du commun. En France, cette théorie née dans les cercles New Age américains séduit encore certains parents en mal de réponses face à des enfants atypiques. Une quête de sens qui vire parfois à la dérive sectaire et se recycle sous des formes plus modernes comme le « haut potentiel intellectuel ».
Dans les années 1990, une étrange théorie a gagné en popularité : celle des « enfants indigo », des enfants prétendument dotés de pouvoirs surnaturels, d’une sensibilité exacerbée et d’une mission spirituelle. Le concept, inventé par l’Américain Lee Carroll, à la tête du mouvement Kryeon, semble tout droit sorti d’un roman de science-fiction. Pourtant, il continue de séduire, notamment en France. Les « indigo », tout comme leurs variantes « enfants cristal » ou « arc-en-ciel », sont censés être reconnaissables grâce à leur « aura bleutée ». À défaut de preuves scientifiques, la théorie mêle magnétisme, karma, réincarnation et autres concepts flous. Son fondateur conseille même de faire évaluer son enfant par un « clairvoyant kryeoniste » pour éviter qu’il devienne dangereux. Le discours frôle le délire mystique.
Mise en garde de la Miviludes
La Miviludes alerte : ces croyances s’accompagnent parfois d’embrigadement, de confusion psychologique, voire de drames. Comme à Challans, en Vendée, où un homme de 34 ans, persuadé d’être un « indigo », a assassiné ses parents en décembre 2024. Selon l’enquête, il reprochait à ses géniteurs de l’avoir fait naître avec des « tares génétiques », convaincu d’avoir été envoyé sur Terre contre son gré.
Le concept est d’autant plus inquiétant que l’étiquette d’« enfant indigo », aujourd’hui un peu vieillotte, cède du terrain à une autre version : le HPI, pour haut potentiel intellectuel (Ndlr : Ce concept relativement récent, objet de recherche dans plusieurs disciplines dont la neuroscience, est souvent utilisé comme argument à des difficultés diverses.) Plus valorisante, cette notion envahit les réseaux sociaux, les livres de développement personnel, et parfois les cabinets de pseudo-experts. Elle permet aux parents de trouver une explication rassurante au comportement atypique de leur enfant.
Pour Damien Karbovnik, sociologue des religions, ce phénomène traduit un besoin de distinction : « L’indigo comme le HPI servent à dire que son enfant est différent, spécial. Ce sont des manières de revendiquer une forme de supériorité sociale ou intellectuelle ».
Le glissement du discours mystique vers le champ pseudo-psychologique ne protège pas pour autant des manipulations. Tests en ligne, accompagnement onéreux, coaching : le marché du HPI attire aussi les charlatans. Et derrière la volonté sincère de comprendre son enfant, certains parents tombent dans un piège bien ficelé. Le risque est double : enfermer l’enfant dans une identité qui n’est pas la sienne et alimenter un business florissant fondé sur des concepts flous. Ce qui était autrefois mystique est devenu marketing.
(Source : Charlie Hebdo, 18.04.2025)
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