Faux souvenirs induits mais conséquences désastreuses bien réelles  

Selon la Miviludes, plus de 4 000 « psychothérapeutes » autoproclamés n’ont aucune formation et ne sont inscrits sur aucun registre. Ces pratiques peuvent être punies d’un an de prison. En attendant, elles sèment la désolation dans des familles. 

Certains pseudo-thérapeutes conduisent les personnes qu’ils suivent sur le chemin des faux souvenirs induits. Ces flashs les amènent à se persuader qu’elles ont été victimes d’incestes ou de violences sexuelles, souvent de la part d’un proche. 

Pierre et Marie (prénoms modifiés) ont vécu cette dramatique expérience. Parents de trois enfants, ayant tous menés des études supérieures, ils vivent en Bretagne. Un jour, leur fille leur fait part de certaines difficultés, « d’une forme de timidité » qui l’empêchait, pensait-elle, « d’aller de l’avant ».  Marie la met alors en lien avec une « coach en parentalité » qu’elle connaît bien et qu’elle estime sérieuse « puisqu’elle intervient en milieu scolaire auprès de collégiens ». Le suivi dure cinq ans. Et au fil du temps, la jeune fille change de comportement. Elle devient irascible. Elle dit parfois avoir des pensées suicidaires. Jusqu’à ce jour de décembre 2020 où elle annonce à ses parents qu’elle a le sentiment d’avoir été agressée sexuellement lorsqu’elle était enfant et affirme que c’est pour cette raison qu’elle se sentirait triste et qu’elle aurait du mal à entretenir une vie amoureuse épanouie. Elle est toutefois incapable de dire où et quand ces actes auraient été commis. Sous le choc, ses parents lui proposent de déposer plainte. Elle refuse. Mais toute la famille, qui tente de comprendre et de la soutenir, traverse une vraie tempête émotionnelle. Et puis, en 2021,la jeune fille accuse nommément son père de l’avoir violée, sans souvenirs précis, sans pouvoir donner de détails… Reste qu’elle refuse depuis ce jour de le voir et de lui adresser la parole. Tout comme l’un de ses frères qu’elle a convaincu de la croire. « Nous avons perdu deux enfants » se désolent Pierre et Marie qui ne cessent de rembobiner le passé et qui ne comprennent pas. Ils sont même retournés voir une pédopsychiatre qui a suivi leur fille lorsqu’elle était petite pour des angoisses enfantines. Cette dernière leur a affirmé que rien ne ressort du dossier, aucun indice ne laissant entrevoir qu’elle aurait pu être victime de tels actes délictueux. 

Le titre de psychothérapeute est protégé par la loi 

Les parents veulent alors rencontrer celle qui se dit « coach en parentalité » et qu’ils soupçonnent « d’avoir manipulé » leur fille. Mais elle a décliné toutes les invitations. Ils sont aujourd’hui persuadés « qu’elle a agi comme un gourou ». Photo à l’appui, ils évoquent un salon du bien-être où elle était présente avec un badge « psychothérapeute » alors qu’elle n’a aucun des diplômes requis. 

L’Agence régionale de santé (ARS) confirme qu’elle n’est pas inscrite au fichier Adeli et qu’elle n’est donc pas reconnue comme psychothérapeute professionnelle. Elle a écopé d’un simple rappel à l’ordre. Depuis, un autre signalement la concernant a été effectué auprès de l’ARS. Pierre et Marie, eux, ont récolté d’autres témoignages. 

L’Agence régionale de santé de Bretagne dit « attacher une grande importance à la problématique de l’exercice illégal d’une profession. Elle porte un enjeu fort sur la qualité et la sécurité des soins ». L’organisme rappelle que le titre de psychothérapeute est protégé par la loi et que « le meilleur moyen de vérifier la légitimité du titre de psychothérapeute est d’obtenir le numéro RPPS du praticien (Répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé) ».

L‘usage, sans droit, d’un titre attaché à une profession réglementée par l’autorité publique ou d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions d’attribution sont fixées par l’autorité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. 

« Le phénomène s’aggrave mais n’est pas nouveau » 

Les faux souvenirs, notamment d’inceste, sont devenus un outil redoutable entre les mains de certains pseudo-thérapeutes. Catherine Katz, ancienne magistrate et présidente de l’Unadfi, dénonce une technique manipulatoire fréquente chez les gourous pour couper leurs victimes de leur entourage. Guy Rouquet, fondateur de l’association Psychothérapie vigilance, alertait déjà la commission d’enquête du Sénat sur ces pratiques en 2012. 

Pour Catherine Katz, « le phénomène s’aggrave mais n’est pas nouveau ». Elle cite également d’autres soins alternatifs inquiétants : le respirianisme, qui prône de ne plus s’alimenter, ou encore des tentatives de « reprogrammation génétique » à l’aide d’huiles essentielles. 

(Sources : Le Télégramme, 08.04.2025 & La Dépêche, 13.04.2025)

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