Etre heureux à « tous » prix !

Aujourd’hui, rien ne serait plus facile que d’être heureux : adopter la positive attitude, enlacer les arbres, répéter des mantras plusieurs fois par jour, etc. Avec le développement personnel, le bonheur serait à la portée de tous et il suffirait de peu pour l’atteindre. Ses codes et ses valeurs s’infiltrent désormais dans l’école, l’entreprise ou l’économie. Son industrie est florissante. La contrepartie de cette promesse de béatitude est que le malheur est mal vu, qu’elle générerait même de la frustration et de l’envie. Cette surenchère a peut-être aussi un prix non estimable : celui du désengagement social.

Dans leur ouvrage Happycratie1, Eva Illouz, sociologue, et Edgar Cabans, psychologue, s’insurgent contre « la diffusion massive de clés du bonheur » qui, selon eux, ne fonctionnent pas et peuvent créer un sentiment d’échec ou une dépression. Certains voient dans la recherche de bonheur l’expression d’un individualisme toujours plus prenant dans une société de moins en moins collaborative et l’avènement d’un matérialisme toujours plus ancré.

« L’industrie du bonheur, qui brasse des millions d’euros, affirme pouvoir façonner les individus en créatures capables de tirer le meilleur parti d’elles-mêmes en contrôlant totalement leurs désirs improductifs et leurs pensées défaitistes » résument les deux auteurs.

Dans cette industrie, les réseaux sociaux permettent à certains de simuler le bonheur, juste le temps d’une photo ou d’un message. Maïté Tranzer, psychologue clinicienne, « s’inquiète des répercussions sur le long terme de ces mensonges en ligne que l’on fait aux autres » mais aussi à soi-même. Mais « À force de ne montrer que ce qui va, on réfrène sa peur, sa colère ou sa tristesse » explique la psychologue alors que « ces émotions négatives sont en réalité le gage du véritable accès au bonheur ».
Enfin Maïté Tranzer rappelle que « fondre en larmes » peut être nécessaire pour lâcher la pression « et permettre de rééquilibrer ses émotions ». Elle rappelle également que chacun a sa perception du bonheur et qu’elle évolue avec le temps.

(Sources : Marie-Claire, 22.09.2018 & Le Figaro, 24.09.2018)

1.Lire sur le site de l’UNADFI, Happycratie, comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies : https://www.unadfi.org/bibliographie/happycratie-comment-lindustrie-du-bonheur-a-pris-le-controle-de-nos-vies/