De nombreuses personnes adeptes sans le savoir

Les livres de développement personnel séduisent un large public. Pourtant, ces ouvrages présentés comme des outils d’amélioration de soi, sont souvent empreints de spiritualité New Age à laquelle « de nombreuses personnes adhèrent sans le savoir », observe la documentariste Élisabeth Feytit.

Si l’on associe souvent le New Age aux hippies des années 1970, les origines de ce mouvement remontent en réalité à la fin du XIXe siècle, aux États-Unis. Né en réaction à la montée des sciences et aux religions jugées trop dogmatiques, ce mouvement prône une quête personnelle de la vérité où l’intuition joue un rôle central. « L’idée fondatrice est que des forces subtiles, invisibles, influencent le monde et nos vies », explique Élisabeth Feytit, qui explore la pensée critique et le phénomène des croyances à travers son podcast Méta de Choc. C’est ainsi que sont nées des notions comme la « loi d’attraction » ou la « pensée positive », qui suggèrent qu’il suffit d’émettre les bonnes vibrations pour attirer à soi le succès, la santé et le bonheur.


Avec le temps, ces concepts ont gagné en popularité et se sont intégrés dans le paysage du développement personnel. « Aujourd’hui, on retrouve ces idées sous des formes plus modernes, dans des best-sellers aux titres accrocheurs comme Devenir riche est une science ou Les sept lois cosmiques », souligne-t-elle. Mais ces livres de développement personnel sont souvent classés dans les rayons spiritualité des bibliothèques. Et ce n›est pas un hasard, il y a une porosité entre les deux. « On cherche des méthodes pour aller mieux et, sans s›en rendre compte, on adopte des rituels proches d›une pratique spirituelle », note Élisabeth Feytit. L’habitude de noter chaque matin ses intentions dans un carnet ou d’allumer une bougie sur un autel improvisé chez soi peut sembler anodine, mais elle s’inscrit dans une démarche plus large. « Le New Age fait l’objet de recherches scientifiques, mais aucun croyant ne s’en revendique »…


Contrairement aux religions établies, qui demandent un acte de foi, le New Age s’appuie sur l’expérience personnelle comme preuve. Cette logique donne aux adeptes une sensation de contrôle sur leur destinée, mais peut aussi les enfermer dans une responsabilité excessive : « Si vous n’allez pas bien, c’est à vous de travailler sur vous-même. Cela peut être responsabilisant… ou culpabilisant », avertit Élisabeth Feytit.


La « pensée positive » peut être nocive


Et les promoteurs du New Age n’hésitent pas à étaler un vernis scientifique pour légitimer leurs théories. Neurosciences, physique quantique, épigénétique… Autant de disciplines citées à tort pour justifier des concepts comme l’énergie vibratoire ou la reprogrammation de l’ADN par la pensée. « En réalité, ces liens sont fantasmés et contredits par la littérature scientifique », rappelle la documentariste.


Si la pensée positive et l’introspection ne sont pas nocives en soi, elles peuvent devenir problématiques lorsqu’elles détournent de véritables solutions thérapeutiques. « Des études en psychologie montrent que forcer quelqu’un qui souffre d’anxiété ou de dépression à adopter une pensée positive peut aggraver son état », explique Élisabeth Feytit. La volonté d’attirer le bonheur par l’optimisme peut ainsi conduire à l’isolement, notamment lorsque l’on en vient à couper les liens avec des proches jugés « toxiques » parce qu’ils n’adhèrent pas aux mêmes croyances.


Anne-Marie Moreira en a fait une expérience amère. Sophrologue pendant quatre ans, elle a fini par rejeter ce qu’elle qualifie aujourd’hui de « vente d’illusions ». « J’ai aidé des gens, c’est certain, mais combien d’autres auraient trouvé une vraie solution auprès d’un professionnel de santé ? » s’interroge-t-elle. L’ex-thérapeute genevoise pointe notamment du doigt « les effets contextuels, autrement dit l’effet placebo, qui peut donner l’illusion d’un mieux-être, mais retarde parfois un diagnostic crucial. « Si une personne atteinte d’un cancer se voit temporairement aller mieux après une séance, cela ne signifie pas qu’elle est guérie. Ce retard dans la prise en charge peut lui coûter cher », met-elle en garde.


(Source : La Liberté, 17.02.2025)


A lire aussi sur le site de l’Unadfi : La tyrannie du bien-être : https://www.unadfi.org/wp-content/uploads/2024/02/La-tyrannie-du-bien-etre-Note-de-lecture.pdf

  • Auteur : Unadfi