Crimes et châtiments : les faux souvenirs

L‘ ADFI s’intéresse depuis quelque temps aux psychothérapies abusives, en particulier celles qui s’appuient sur la théorie de la mémoire retrouvée (Voir BULLES n° 69). C’est un terrain délicat : les souvenirs prétendument retrouvés sont généralement ceux d’abus sexuels subis pendant la petite enfance. Dans l’ambiance actuelle d’indignation légitime face aux délits pédophiles, il est risqué de paraître prendre la défense de leurs auteurs.

Il existe plusieurs raisons de considérer les accusations de crimes sexuels avec beaucoup de circonspection lorsqu’elles se produisent très longtemps après l’évènement supposé. Il faut tout d’abord se demander s’il ne s’agit pas de manipulation mentale. Ensuite, ces accusations sont l’une des armes utilisées par les sectes pour intimider les proches de leurs adeptes. Enfin il s’agit d’aborder la défense de la famille au point de vue légal.

Si les crimes ne peuvent être poursuivis au-delà de la durée de prescription (10 ans après l’âge de la majorité en France pour l’inceste), c’est que le législateur a reconnu la difficulté d’apporter des preuves plus le temps passe. Or la preuve est bien ce qui fait toute la différence entre l’accusation légitime et la calomnie malveillante.

Ces problèmes sont apparus plus tôt dans le monde anglo-saxon qu’en France avec pour conséquence que dans l’Angleterre toute proche, on assiste aujourd’hui à des phénomènes apparemment contradictoires. D’une part, la presse à sensation racole le public par de véritables chasses au pédophile. D’autre part, les politiques commencent à s’inquiéter des risques sérieux d’erreurs judiciaires. La fin de l’année 2001 a vu se produire deux interventions en ce sens par des représentants à la Chambre des Lords ainsi que la première réunion d’une commission inter-parlementaire. L’inquiétude des parlementaires britanniques peut se résumer en trois points :
 

  • Les accusations d’abus sexuels sur enfants sont très faciles à porter mais difficiles à prouver car les faits se produisant en privé impliquent la parole d’une personne contre celle d’une autre.

  • Le risque d’erreur judiciaire est donc élevé surtout lorsque les faits allégués sont anciens.

  • Même lorsque les accusés ont été reconnus innocents, l’opprobre publique persiste longtemps et empêche ces personnes de retrouver leur place dans le travail professionnel ou les activités bénévoles.

Stigmatiser les accusés tout en négligeant le principe de présomption d’innocence est une tentation démagogique récurrente dans les sociétés. Mais la justice sommaire finit par discréditer la justice, ce qui profite en fin de compte aux véritables criminels.

Bulles n°75- décembre 2002

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