Face à la recrudescence des dérives dans le champ des pratiques de soin non-conventionnelles (PSNC), Le Quotidien du médecin a publié fin mai un dossier de plusieurs pages à l’intention des soignants.
Premier conseil du journal : se défaire de l’image folklorique et surannée du gourou. Aujourd’hui les sectes recrutent dans tous les secteurs de la société. Parmi eux, celui de la santé est particulièrement touché ainsi que le confirme la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dont la majorité des signalements sont en lien avec cette problématique. Pour Donatien Le Vaillant, chef de cette mission, la crise sanitaire a probablement été un facteur aggravant du recours aux « médecines alternatives ». L’inquiétude face à la pandémie, la remise en cause « de l’image de la médecine », les difficultés d’accès aux soins ont probablement concouru à la hausse des saisines auprès de la Mission interministérielle.
Pascale Duval, porte-parole de l’Unadfi, voit une autre raison à cet engouement. Considérée par certain comme un bien de consommation comme un autre, ces pratiques attirent avec leur promesse de guérison rapide.
Le risque de se laisser piéger par une secte est important en particulier pour les patients atteints de pathologies graves en recherche de solutions. « Ils sont prêts à adhérer à toutes celles qui leur paraissent différentes de ce qu’on leur propose habituellement » explique Jacques Robert, professeur émérite d’oncologie à l’université de Bordeaux.
Pascale Duval ajoute que si toutes les pratiques de soin non-conventionnelles ne sont pas sectaires, elles émanent des mêmes principes « ésotériques, hygiénistes ou religieux ». On peut donc, selon elle, se radicaliser à une pratique de la même manière qu’à une croyance. Elle ajoute qu’un « thérapeute » peut exercer volontairement une emprise pouvant mener le patient à « la triple rupture caractéristique de la dérive sectaire ».
La situation des soignants confrontés à des patients sous emprise sectaire n’est pas simple car ils représentent la médecine scientifique contre laquelle ces patients se radicalisent, et dont parfois ils se coupent complétement. Pour éviter d’en arriver là, Pascale Duval conseille d’agir tôt en mettant en garde celui qui s’éloigne des soins conventionnels des dangers des pratiques non-conventionnelles.
Face à une situation de ce genre il est important de donner l’alerte auprès d’organismes comme la Miviludes afin d’éviter qu’un praticien mis en cause ne fasse d’autres victimes.
Devant l’absence d’encadrement de ces pratiques, la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, Agnès Firmin Le Bodo, a annoncé la création d’un comité dont l’objectif sera de classifier les PSNC afin « d’aboutir à un dispositif d’enregistrement ».
L’Unadfi souhaiterait aller plus loin. Lors de son dernier colloque, tenu en mai, l’association a fait part des recommandations de son groupe de travail sur la santé qui préconise « de refuser le remboursement des PSNC par les complémentaires, et leur installation au sein de structures médicales » (maison de santé, hôpitaux, …) pour éviter toute confusion pour les patients.
Propositions d’encadrement cruciales pour Céline Bensoussan, Fabienne Jules Percebois, et le dr Jean-Marc Huygues, trois soignants occitans, qui s’alarment dans le dernier rapport de la Miviludes de « la multiplication d’offres thérapeutiques noyées dans le flou de la définition des soins de support ». Ensemble ils ont entrepris d’identifier les pratiques pouvant donner lieu à des dérives en étudiant par exemple les propositions de soins de support reçues par la Ligue contre le cancer ou des lieux de soins. Ils ont constaté que des professionnels de santé peuvent orienter leurs patients vers des praticiens à risques, par croyance, par indifférence ou juste pour apporter une réponse.
Pour eux il est impératif que les structures de santé fassent le tri afin d’éviter « de se rendre complices de ce genre de pratiques », non seulement en raison des pertes de chance de guérison du patient, mais aussi pour endiguer « la remise en cause du savoir scientifique ».
(Source : Le Quotidien des médecins, 26.05.2023)