Une enquête menée ces derniers mois par le Groupement d’intérêt public–Plateforme régionale d’oncologie de Martinique (GIP-Prom) a révélé une progression inquiétante du renoncement aux soins des malades du cancer et ce, « au profit de pratiques dites “non conventionnelles” portées parfois par des dérives sectaires et autres croyances magico-religieuses ». Une tendance que soupçonnait Guy Albert Rufin-Duhamel, directeur du Gip-Prom.
Même si cette progression s’est aggravée en 2020, avec 70% de dépistage du cancer en moins par rapport à 2019, elle n’est pas uniquement liée à la crise de la Covid-19 note Louis Jehel, professeur de psychiatrie, chef de service au CHU de Martinique et président de SOS Kriz1, elle marque aussi selon lui le retour d’un intérêt pour les pratiques traditionnelles.
Mais la conséquence directe du détournement des malades de la médecine est une évolution de certains cancers vers des phases avancées difficiles à traiter, alors qu’un dépistage précoce aurait pu éviter le pire.
Les professionnels de santé ont donc décidé de lancer une campagne d’information afin alerter les patients et sensibiliser les relais d’opinions – religieux, représentants culturels – sur les dangers que font courir les thérapeutes qui persuadent les patients d’abandonner leurs traitements.
Nathalie Chillan, présidente de l’association Ma Tété2 explique que si la période du confinement a été propice à l’abandon des soins conventionnels, bien souvent les malades ont aussi recours aux pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) afin de supporter les effets secondaires de leur traitement contre le cancer. Pour elle, il serait nécessaire de prendre en compte le besoin de naturel des patients et d’allier les PSNC et la médecine conventionnelle afin de ne pas laisser le champ libre à des personnes mal intentionnées.
Stella, elle aussi membre de l’association, raconte son déni de la maladie lorsque son diagnostic de cancer du sein est tombé en 2018. Au lieu de suivre le traitement préconisé par son médecin, elle a préféré essayer de se soigner par elle-même en cherchant des solutions sur internet. Recourant à diverses pratiques, elle s’essaie au jeûne, au crudivorisme en pensant que le mal allait se résorber et que ses cellules allaient se régénérer. Au bout d’une année d’errements, son état ayant empiré, son fils lui a fait prendre conscience de la gravité de son état. Depuis lors elle a été opérée et a fait des séances de chimiothérapie qu’elle a bien supportées.
(Source : France Antilles-Martinique, 29.12.2020)
1 – Ligne d’écoute et de prévention de la souffrance psychique et du risque suicidaire.
2 – Cette association a pour mission d’informer, d’accompagner et de sensibiliser sur la thématique du cancer du sein en Martinique.