L’hydrothérapie du côlon, un phénomène banalisé mais dangereux

C’est une tendance bien-être : l’hydrothérapie du côlon. Un « soin qui désintoxique l’organisme », défendent ses adeptes. Du « charlatanisme qui relève de l’exercice illégal de la médecine », rétorquent les professionnels de santé.

La pratique consiste à injecter de l’eau par le rectum à l’aide d’un tuyau, un autre récupérant les matières fécales. Le tout pour des tarifs allant de 70 à 140 euros la séance. Cette pratique, appelée lavement évacuateur ou hydrothérapie du côlon, permettrait de « stimuler le système immunitaire, désintoxiquer l’organisme, lutter contre les problèmes digestifs, améliorer la circulation sanguine ou encore nettoyer les angoisses ». Mais derrière toutes ces promesses, la pratique est loin d’être sans danger pour la santé. Claire Siret, médecin généraliste et présidente de la section santé publique du conseil national de l’Ordre des médecins, met en garde contre les risques, notamment infectieux ou de perforation du côlon, mais aussi une « perte de chance ou un risque vital pour des patients souffrant de véritables pathologies ».

« Aucun praticien ne réalise ce genre de prise en charge dont les effets ne sont pas démontrés », alerte Armand Garioud, gastroentérologue et hépatologue au CHI de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne) et président du conseil scientifique de l’Association nationale des hépato-gastroentérologues des hôpitaux généraux. Pauline Jouët, gastroentérologue à l’hôpital Avicenne de Bobigny (AP-HP) et professeure au Collège de médecine des Hôpitaux de Paris, partage le même avis : « L’hydrothérapie du côlon ne stimule absolument pas le système immunitaire, ne favorise pas non plus le retour veineux et ne détoxifie pas. Il n’y a rien à détoxifier, je rappelle que les selles ne sont pas toxiques ». Et elle insiste : « même dans les cas de constipation sévère, il reste très rare de procéder à un lavement, on privilégie d’abord des laxatifs. C’est du charlatanisme ». Elle dénonce « une forme de manipulation. Parler d’un soin ou proposer une consultation pour faire le bilan relève de l’ordre du diagnostic… La limite est franchie ».

Trop peu de sanctions

Si l’offre d’hydrothérapie du côlon se banalise, elle est pourtant illégale. La Direction Générale de la Santé est formelle : « cette pratique est un acte strictement médical ». La plupart des personnes qui proposent ces séances n’ont pourtant aucune compétence médicale ou pas suffisamment, comme l’a constaté BFM. Il s’agit le plus souvent de naturopathes ou d’ostéopathes. Sur leurs sites internet, certains évoquent « des recherches » sur le sujet, sans toutefois les mentionner clairement ni les sourcer. D’autres citent des noms de médecins réputés affirmant s’inspirer de leurs pratiques. Pour Claire Siret, « c’est de l’escroquerie ».

Tout professionnel non titulaire du diplôme d’État de docteur en médecine effectuant cette pratique s’expose à une condamnation pénale pour exercice illégal de la médecine, certifie la DGS. Soit deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. Philippe Courtois, avocat spécialisé en droit médical, va plus loin : « En plus d’exercice illégal de la médecine, ces personnes pourraient également être poursuivies pour tromperie aggravée et publicité mensongère ». Oui, mais… En 2013, une publicité en faveur d’une méthode d’hydrothérapie du côlon a été interdite par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’individu qui en faisait la promotion sur son site Internet officie toujours, dix ans plus tard…  Ou encore, interrogée sur le sujet, une naturopathe répond ne pas savoir ce que dit la loi mais ajoute « ne jamais avoir eu de problèmes » depuis qu’elle a commencé à pratiquer l’hydrothérapie du côlon.

Ces propos inquiètent la Miviludes qui a pointé les risques liés à l’hydrothérapie du côlon dans un rapport sur les dérives sectaires. Pour l’avocat Philippe Courtois, « il est impératif de sévir ». Quant à Claire Siret, elle n’a pas de mots assez durs pour condamner cette pratique. « Il y a de la défiance envers le monde médical et c’est dangereux ». 

(Source : BFM, 28.05.2024)

  • Auteur : Unadfi