La prière ou la vie

Certains parents croient que la prière est le seul traitement acceptable en matière de santé même si cela doit engager la vie de ceux qui leur sont les plus chers, leurs enfants. Dans l’État de l’Idaho où ces parents sont à l’abri de toute poursuite, le nombre de morts d’enfants dont certains auraient pu être sauvés, est en constante augmentation.


Le 5 février 2013, quelques semaines avant son 13e anniversaire, Syble Rossiter est morte à son domicile à Albany (Oregon). Sa famille l‘a regardée mourir sans appeler un médecin ou la conduire dans un service d’urgence. En tant que membres de l’Église des premiers-nés, une secte chrétienne croyant en la guérison par la prière, ils ont estimé que demander de l’aide était un signe de faiblesse spirituelle et un affront à la volonté de Dieu. 

Lors du procès de ses parents, le médecin légiste a révélé que Syble souffrait d’un diabète de type 1 non diagnostiqué ; un simple traitement à l’insuline lui aurait sauvé la vie. Le procureur a affirmé que le couple était entièrement responsable de la mort de sa fille : « il n’est pas question de religion mais des soins minimums que des parents doivent apporter à leurs enfants ».
Les Rossiter ont finalement été reconnus coupables d’homicide involontaire et risquent une peine minimale de 10 ans.
Depuis 2011, l’Oregon a éliminé la religion des argumentaires de défense. L’État a poursuivi trois cas semblables, adressant ainsi un message aux parents ayant foi en la guérison divine.

Dans l’Idaho, 12 enfants sont morts de défaut de soins en trois ans. Les rapports d’autopsie montrent qu’ils auraient tous pu survivre à leur maladie.
Pas un parent n’a été condamné. Tous sont des chrétiens dont la doctrine est proche de celle des membres de l’Église des premiers-nés et croient en la guérison par la prière. Ces morts ne semblent émouvoir ni les médias ni le grand public.
Devant les souffrances et les morts inutiles d’enfants, Linda Martin a brisé le silence sur ces décès impunis dans l’Idaho. Elle est l’une des rares personnes à se consacrer à cette question. Elle a sollicité l’aide d’un journaliste. Leurs investigations les ont conduits aux Archives de l’État de l’Idaho, où elle a constaté que parmi les 604 personnes enterrées au cimetière de Peaceful Valley, 208 sont des enfants soit 35%.

Actuellement, 32 États accordent l’argument religieux à la défense dans les cas de défaut de soins envers les enfants bien que la loi oblige les parents à garantir les soins à leurs enfants. L’Idaho est l’un des six États1 qui donnent une exemption pour raison religieuse dans les cas d’homicides involontaires, d’homicide par négligence ou d’assassinat. Mais il est le seul où les enfants sont morts parce que les parents ont volontairement préféré la prière aux soins. 
Pour plusieurs avocats, ces attitudes sont en contradiction avec la décision de la Cour suprême selon laquelle, même pour des raisons religieuses, les parents ne peuvent mettre en péril la vie de leurs enfants : « Les parents peuvent être libres de devenir des martyrs mais ne sont pas libres, dans des circonstances identiques, de faire des martyrs de leurs enfants. » 
Par ailleurs, le républicain Christy Perry estime que les parents sont libres de penser que Dieu seul sait si ces enfants doivent vivre ou mourir et l’endroit où « ils iront pour l’éternité ». 
Un nouveau projet de loi sur ce sujet ne trouve pas, actuellement, le soutien pour avoir une chance dans la prochaine législature. 

(Source : Vocativ.com, 17.11.2014)

1 – Les autres sont l’Arkansas, l’Iowa, la Louisiane, l’Ohio et la Virginie occidentale.