Si l’adhésion vaccinale s’est améliorée en France, les antivax n’en poursuivent pas moins leurs actions et glissent progressivement vers l’extrême droite qui phagocyte le mouvement à la faveur de la pandémie.
Représentant entre 5 et 10% de la population, ces antivax seront plus difficiles à faire changer d’avis que les personnes hésitantes et sceptiques. Cependant ces deux catégories de personnes inquiètent l’Académie de médecine qui craint que « le dynamisme de la campagne se heurte à l’obstacle des hésitants et des opposés à la vaccination, l’importance de ces deux catégories récalcitrantes étant actuellement estimée à 15 % pour chacune d’elles ».
L’inquiétude est d’autant plus importante que les antivax ne désarment pas, même s’ils sont moins audibles sur internet grâce à une politique de rachat de référencement par l’agence Santé Publique France.
Historiquement, cette tendance au départ portée en France par la Ligue nationale pour la liberté vaccinale, touchait le milieu bio et écolo de gauche comme de droite, dont l’idée était « un retour à une nature saine et à une nutrition naturelle » explique Lucie Guimier, géographe experte de la couverture vaccinale.
Mais aujourd’hui les militants antivax sont de plus en plus liées à la « réinfosphère », « ces réseaux diffuseurs « d’informations alternatives » souvent marqués à l’extrême droite ». Ils se structurent, participent à des manifestations anti pass sanitaire, comme celle du 22 mai 2021 qui était animée par la généticienne Alexandra Henrion Caude et l’humoriste Jean-Marie Bigard, tous deux devenus des fers de lance de cette comploshère française qui dénonce la « dictature sanitaire » et refuse le port du masque et la vaccination.
Eux, tout comme la « réinfosphère », jettent de l’huile sur le feu dans une situation difficile, en ne cessant de clamer « l’État vous ment, la « plandémie » a été organisée ». Ces conceptions vaccino-sceptiques ont récemment été reprises par Nicolas Dupont Aignan, président du parti Debout la France et par Florian Philippot, ancien bras droit de Marine Le Pen et fondateur du parti Les Patriotes. La gauche écologiste a, quant à elle, pris ses distances avec ce mouvement par la voix de Yannick Jadot
Les mouvements anti-vaccination historiques profitent du succès des canaux de la « réinfosphère » pour diffuser leurs revendications. Ce que reconnaît le président de la Ligue nationale pour la liberté vaccinale (LNLV), Jean Pierre Eudier, qui « préfère soutenir Louis Fouché car son réseau est beaucoup plus complet qu’on ne l’imagine. Il est très charismatique et puis c’est un homme tellement gentil » témoigne-t-il. Louis Fouché, anesthésiste-réanimateur à Marseille et fondateur du site Reinfo Covid, s’est illustré par des déclarations contre la vaccination ou mettant en avant la faible létalité du Covid-19.
L’alliance politique entre la sphère complotiste et les antivax s’est matérialisée pendant les élections régionales par la constitution de listes proches de réinfocovid. Appelées un « Un Nôtre monde », elles regroupaient des antivax, des complotistes et des thérapeutes dits alternatifs. Ce lien entre antivax et pratiques alternatives inquiète l’Union nationale de défense des familles et de l’individu (Unadfi). Marie Drilhon, membre du bureau de l’association explique qu’« ils ont toujours été présents. Dans cette mouvance, le vaccin nuit au corps, il faut faire ses défenses et se guérir soi-même. ». Mais ajoute-telle, « ce qui est frappant, c’est que ces groupes-là se moquent que le but de la vaccination soit la protection de l’ensemble de la société. Ils sont dans leur communautarisme : le New Age ne pense qu’à sa santé personnelle, ne se préoccupe pas des autres ».
Du côté du gouvernement on assure aussi prendre très au sérieux les groupes anti-vaccination, surtout lorsqu’ils présentent un caractère sectaire. « Cette vigilance est motivée par leurs discours et leurs agissements qui peuvent entraîner une forme d’emprise. Il y a une convergence de tous ces promoteurs des théories complotistes mettant en cause les autorités sanitaires », prévient la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes).
(Source : Marianne 26.05.2021)
