Du témoignage à la promotion, la frontière est mince ?  France

Raphaëlle Bacqué, journaliste connue pour ses talents d’enquêtrice et récompensée pour ses qualités littéraires, a publié au début de l’année 2023 dans M, le magazine du Monde, un reportage relatant sa participation régulière depuis une dizaine d’année à des stages de jeûne. Ce papier écrit à la première personne a montré à quel point la frontière entre le témoignage personnel et la promotion de pratiques potentiellement dangereuses est fine.

L’article, long de sept pages, a fait la une du magazine. Dès le lendemain, des critiques ont été émises. Le collectif l’Extracteur a dénoncé plusieurs points du papier lui semblant problématiques, notamment la mise en avant de l’organisatrice des stages auxquels participe la journaliste, qui n’est autre que la cofondatrice de la Fédération française de jeûne et randonnée Céleste Candido1. Deux jours plus tard, la Miviludes a publié un Tweet rappelant que ces stages peuvent être risqués. Quant à l’autrice de l’article, elle s’est dite « horrifiée » par les critiques : « Je vous le dis et c’est dans mon papier : pendant mes stages il n’y a pas de charlatan, il n’y a pas de gourou donc il n’y a pas d’emprise. J’ai suivi les manifs antivax, je sais ce que c’est. Dans mes stages, on est à mille lieues de tout ça ». Elle considère « grotesque » de dire que le jeûne ou le yoga sont des portes d’entrées pour les sectes : « des cours de yoga, il y en a partout. Soit vous dénoncez de vraies sectes, et alors vous faites venir les gendarmes, soit vous ne dites rien. Sinon tout le monde va avoir peur d’être accusé et va faire les choses dans son coin. » Un journaliste du Monde au fait du phénomène sectaire avance la raison pour laquelle Raphaëlle Bacqué n’a pas bien saisi l’accusation de dérive sectaire à l’encontre de son stage : « le sectarisme, ça prend des formes diverses. Il y a différents degrés. Bien sûr qu’elle n’est pas tombée dans une secte comme dans le sketch des Inconnus. Mais elle est trop partie prenante du sujet pour être en mesure d’écarter d’instinct toute possibilité de dérive ». Ce papier laudatif à l’égard du jeûne présente par ailleurs le risque que des lecteurs à la recherche des mêmes résultats décrits par Raphaëlle Bacqué s’inscrivent à des stages organisés par des personnes moins bien intentionnées.  

(Source : larevuedesmedias.ina, 26.03.2023)

1. Ancienne directrice monde d’une ligne de Cacharel, elle s’est reconvertie en suivant entre autres une formation à Ann Wigmore Health Institute, l’institut où Thierry Casasnovas a étudié en 2006. Dans son livre ABC du jeûne, elle prétend que jeûner peut « résoudre […] l’arthrose, les problèmes digestifs, l’eczéma, l’asthme, les migraines, l’hypertension. Interrogée, elle expliqué à larevuedesmedias.ina avoir reçu entre 100 et 150 demandes depuis la sortie du papier de Raphaëlle Bacqué.

  • Auteur : Unadfi