YouTube impuissant face aux fake news ?

Devant la prolifération des vidéos anti-vaccins et le danger potentiel pour la santé publique, plusieurs réseaux sociaux ont annoncé des mesures pour les endiguer.

Pour lutter contre la désinformation, YouTube avait annoncé ne plus afficher dans ses recommandations, des contenus conspirationnistes propageant de fausses informations médicales. Cela ne suffisant pas, il a fallu une lettre ouverte du député Adam B. Shiff et le boycott de plusieurs annonceurs, pour que la plateforme prenne davantage de mesures. Youtube a depuis décidé de démonétiser les vidéos anti-vaccins.

Cependant, d’après une enquête du média en ligne Numérama, les fake news sur la vaccination occupent toujours une bonne place sur la plateforme vidéo. En tapant le mot « vaccins », 18% des 50 premières vidéos ont un contenu anti-vaccination. Pire, avec les mots clés « vaccins et vérité », ce sont plus de 50% des résultats qui le sont et ce ratio augmente si l’on fait une recherche en associant les mots « vaccins et autisme ».

Les thèses que propagent ces vidéos sont dangereuses. Leurs auteurs y assènent contre-vérités, complotismes et théories dénuées de fondement scientifique. Se présentant comme des porteurs de vérité, ils dénigrent les médecins et accusent les laboratoires pharmaceutiques de n’avoir que des objectifs mercantiles. Allant très loin dans le conspirationnisme, certains affirment que les vaccins auraient pour but « d’éliminer les deux tiers de l’humanité ». Ils s’appuient volontiers sur des chiffres, des études, voire des témoignages de médecins pour rendre leurs théories plus crédibles.

Mais la plupart des études citées sont controversées et les spécialistes mis en avant sont souvent douteux. À l’image du docteur Alain Scohy, radié à vie de l’Ordre des médecins en 1996 et militant anti-vaccin qui vend sa propre méthode de soin, ou le médiatique Henri Joyeux. Autre figure du complotisme anti vaccin, l’ancien médecin Christian Tal Schaller qui affirme que le sida se soigne sans traitement et se prétend cible des lobbies pharmaceutiques.

Parmi les personnalités de l’anti-vaccination, beaucoup n’ont aucune qualification scientifique. Ainsi la naturopathe Irène Grosjean, souvent invitée pour réaliser ce type de vidéo, n’a aucune formation en médecine, tandis que Sylvie Simon, connue pour sa bataille contre le vaccin contre l’hépatite B fut mannequin avant de devenir antiquaire et journaliste. Ses vidéos sont encore bien présentes sur YouTube, alors qu’elle est décédée en 2003.

Quant à Thierry Casanovas, bien que n’ayant aucune qualification scientifique, il est devenu une des figures majeures de la « médecine alternative » en France grâce à sa chaîne YouTube Régénère. Profitant de la popularité du sujet de l’anti vaccination, il a mis en ligne en septembre 2018 un documentaire en neuf épisodes intitulé « Enquête sur la vaccination ». Selon Numérama, ses vidéos qui contiennent des fausses informations sur le sujet n’auraient pas toutes été démonétisées par YouTube. Mais pour lui comme pour d’autres promoteurs de l’anti vaccination, la démonétisation des vidéos n’est pas un frein car ils ont d’autres sources de revenu : stages, vente de produits de bien-être…

Les mesures de YouTube pour restreindre la visibilité des contenus anti-vaccination semblent bien peu efficaces, certaines vidéos de prétendus experts ayant été visionnées plus de 100 000 fois. En effet, la journaliste de Numérama a constaté que YouTube lui proposait de regarder d’autres vidéos sur le même sujet via son onglet de suggestions et dès sa page d’accueil. Une recherche en anglais l’a amenée au même constat.

Contacté à ce sujet, un porte-parole de YouTube France a indiqué que l’entreprise est très attentive à ce genre de contenu et modifie peu à peu ses algorithmes pour « diminuer le nombre de suggestions qui posent problème ».

(Source : Numérama, 20.03.2019)