Les théories du complot génératrices de ruptures

La presse canadienne a donné la parole à des personnes dont les proches adhérents à des théories du complot. Elles expliquent les différentes étapes qui ont rendu le dialogue impossible et conduit à une rupture semblant parfois inévitable.

Un témoin explique que ses parents suivent et partagent abondamment, sur les réseaux sociaux, le contenu publié par Alexis Cossette-Trudel. Ce canadien est souvent considéré comme la voix francophone du mouvement QAnon1. Pour l’auteur du témoignage, le déclic pour comprendre l’emprise et l’endoctrinement subis par ses parents fut le partage par son père de théories sur des supposés réseaux pédophiles dirigés par des acteurs du monde politique comme Barack Obama ou Hilary Clinton. Cela a créé chez lui une prise de conscience mais aussi une incompréhension. Avec l’arrivée de l’épidémie de Covid-19, ses parents ont aussi partagé des théories sur la grande conspiration mondiale derrière la propagation du virus. Lui-même diagnostiqué positif à la Covid-19 et présentant de nombreux symptômes, ses parents n’ont jamais cru qu’il s’agissait d’une infection au coronavirus. Son père a réussi à faire adhérer d’autres de ses proches à ces théories. Face à l’emprise de ces théories sur ses parents, le témoin a arrêté de les voir cela devenant trop difficile pour lui. Il n’arrive pas à comprendre comment des gens intelligents en arrivent à adhérer à ces théories.

Pour Radio Canada, une québécoise raconte comment l’un de ses parents a trouvé une nouvelle famille au sein de QAnon. Au sein de son foyer, il ne parlait que des théories de QAnon avec pour objectif de conscientiser tout le monde. Les adeptes sont très convaincus des théories du mouvement et du bien-fondé de ce qu’ils font, et cela prend énormément de place dans leur vie aussi bien familiale, qu’amicale ou professionnelle. Cette québécoise a noté une évolution graduelle chez son proche : il a commencé par regarder quelques vidéos sur le Covid puis cela a pris de plus en plus de place.

Mike Kropveld, fondateur et directeur général d’Info-Secte, constate depuis le début de l’année l’émergence de nombreux appels concernant les théories du complot et plus particulièrement le mouvement QAnon. Les proches constatent des changements et des ruptures chez les victimes. Pour le spécialiste des mouvements sectaires, la pandémie a servi de tremplin à QAnon qui existait pourtant depuis 2017. Il constate que les théories du complot en général répondent à un besoin émotionnel et de certitude et donnent des explications à une situation complexe.

Pour Martin Geoffroy, directeur du Centre d’expertise et de formation sur les intégrismes religieux, les idéologies politiques et la radicalisation (CEFIR), il ne faut en aucun cas confronter directement et décrier les croyances des personnes adhérant à des thèses complotistes. Cela pourrait les amener au contraire à se radicaliser et amplifier les ruptures. Le spécialiste admet qu’il n’existe aucune recette magique mais souhaiterait une accentuation de l’éducation scientifique. Il rappelle que lorsque l’investissement dans des théories complotistes prend de plus en plus de place dans leur vie les individus délaissent leurs proches et leurs familles. Ce processus de rupture ressemble aux conséquences d’une adhésion sectaire. C’est pourquoi il semble important de ne jamais rompre le dialogue avec des personnes adhérant à des théories complotistes. Afin d’éviter la prolifération des idées de QAnon sur les réseaux sociaux, plusieurs géants du web, dont Facebook, ont interdit des
 groupes QAnon sur leurs réseaux.

(Sources : La Voix de l’est, 12.10.2020 & Radio Canada, 16.10.2020)

1. Lire sur le site de l’Unadfi, QAnon prend de l’ampleur : https://www.unadfi.org/domaines-dinfiltration/internet-et-theories-du-complot/qanon-prend-de-lampleur/

  • Auteur : Unadfi