Les complotistes tentent de s’emparer de la lutte contre la pédocriminalité    

Avec la récente polémique déclenchée sur le plateau de Cyril Hanouna à propos de l’Adrénochrome on constate que de nombreux récits complotistes n’hésitent pas à utiliser ou à déformer les violences commises sur des mineurs.

Au sein de la sphère complotiste circulent en effet de nombreux récits mettant en scène des disparitions massives d’enfants, des trafics sexuels de mineurs ou encore des sacrifices rituels. L’ethnologue Véronique Campion-Vincent parle de figure de « l’enfant-proie ». Si la pédocriminalité est bien une réalité, la complosphère détourne ces drames et évoque des réseaux puissants qui maniganceraient des exploitations d’enfants kidnappés. On peut citer à titre d’exemple la mouvance conspirationniste QAnon qui est persuadée de l’existence d’un réseau mondial de trafic sexuel d’enfants dirigé par des « élites pédosatanistes ».

Dans l’histoire, ces accusations sont souvent le fruit de la littérature antisémite. Aujourd’hui ces récits se basent sur les nombreux faits divers à propos d’enfants disparus. « L’enfant-taupe » enfermé dans des lieux souterrains et qu’il faudrait délivrer est devenu un élément central de nombreuses doctrines complotistes. Si bien qu’un fait divers comme l’éruption d’un volcan est alors interprété comme une tentative de libération de ces enfants retenus.

Les associations œuvrant dans la lutte contre la pédocriminalité se retrouvent parasitées par ces individus et ces discours complotistes. Le chercheur canadien Marc-André Argentino a identifié « 114 groupes qui se présentent comme en lutte contre les trafics d’enfants mais sont de fait dominés par des contenus QAnon ». Les associations déplorent que les complotistes renvoient une image erronée, fantasmée et caricaturée de la pédocriminalité qui serait le fait de puissants dirigeants pédosatanistes. Les chiffres montrent pourtant que dans 94% des cas les auteurs d’agression sexuelle font partie du cercle familial de la victime.

Pour Sebastien Dieguez, ces théories servent surtout à diaboliser les adversaires désignés et moins à lutter contre la pédocriminalité. Il constate que ces récits pédocriminels présentent des intérêts pour la communauté complotiste comme d’attirer plus de femmes et apparaître comme des héros. 

(Source : Le Monde, 18.03.2023)

  • Auteur : Unadfi