Le complotisme, un logiciel de défiance ?

Spécialiste des conspirationnismes, Marie Peltier prévient sur le risque d’assimiler complotisme et dérives sectaires.  Le risque : passer à côté du caractère massif du phénomène et ne pas redonner confiance en la démocratie.

Pour l’historienne, « le complotisme est une maladie démocratique contemporaine ».  Ce « logiciel de défiance » pousse à remettre les institutions démocratiques en cause. Ainsi, si l’on envisage exclusivement ce phénomène complotiste comme la résultante de personnes « radicalisées », on occulte toute la défiance plus « mainstream » qui s’installe dans nos sociétés, on « dépolitise le complotisme ». Opposer des complotistes versus des anti-complotistes risque de renforcer les antagonismes et ne permet pas de redéfinir « une vision commune qui puisse redonner confiance en la démocratie ». Dans cette perspective, combattre ce fléau au cas par cas, « en allant chercher des brebis égarées » pour les remettre « sur le droit chemin » serait un leurre et un recyclage de la politique de déradicalisation mise en place à l’époque pour lutter contre l’embrigadement djihadiste. Les organisations travaillant sur les dérives sectaires peuvent apporter une aide à certaines victimes mais le cœur du problème réside ailleurs, dans une absence de confiance qui se généralise. Pour Marie Peltier, « le véritable chantier, c’est celui de la clarté, de remettre des balises politiques sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas ». Et ce, d’autant plus que les réseaux complotistes ou les sphères de propagande ont réalisé un « hold-up sémantique » en s’appropriant le vocable démocratique pour mieux soutenir des dictatures. Ce brouillage linguistique conduit des personnes de bonne foi à soutenir des propos conspirationnistes. Ainsi, même si les réseaux complotistes francophones sont encore très ancrés à l’extrême droite, le phénomène conspirationniste s’étend et l’imaginaire de défiance se répand. Des esprits malveillants en profitent et d’autres, bienveillants, ou du moins nourris par un idéal démocratique, en sont victimes. Pour l’historienne, le gouvernement ne doit plus minimiser ou externaliser la question. .

(Source : 20 minutes, 12.12.2022)

  • Auteur : Unadfi