Favorisé par la défiance vis-à-vis des institutions, des médias, le complotisme a proliféré dans toutes les sphères, universitaires, associatives, politiques. Il est partout et touche désormais tout le monde, « Tous ceux qui à un moment se disent : on nous ment », estime Marie Peltier, historienne et formatrice à l’Institut Supérieur de Pédagogie Galilée de Bruxelles. Mais s’il vit et prolifère dans le monde numérique, il touche aussi des vies bien réelles et ses répercussions sont parfois terribles.
Selon Marie Peltier, le complotisme a été favorisé par trois événements majeurs du XXIe siècle : les attentats du 11 septembre 2001, « gros événement structurant pour le conspirationnisme contemporain » souligne-t-elle ; l’avènement des réseaux sociaux ; et « aujourd’hui, le Covid, qui agit comme un immense révélateur ».
« Le conspirationnisme donne un logiciel explicatif, il désigne des héros, des coupables, c’est une grande partie de son succès » explique la chercheuse.
Pour Pascale Duval, porte-parole de l’Unadfi, les processus d’adhésion aux théories du complot sont les mêmes que ceux des sectes : radicalisation, soumission à une communauté, emprise, qui mènent à une triple rupture. « La personne change complètement ses valeurs, son identité, pour marquer son adhésion à la communauté. Elle se coupe de son environnement d’origine, il n’y a plus de dialogue possible. Et enfin elle rompt avec la société » explique-t-elle.
Une fois embrigadés les individus deviennent hermétiques à la remise en question, voir agressifs envers ceux qui n’adhèrent pas à leurs idées.
Si ces idées peuvent couvrir de nombreux domaines (extra-terrestres, Terre plate), le champ de la politique y occupe une place essentielle. Beaucoup adhèrent à une vision du monde reprenant souvent des thèses antisémites et d’extrême droite ou « adhérent à des théories profondément réactionnaires, avec l’idée en filigrane que le progrès va nous détruire », note Marie Peltier.
Aujourd’hui, même si l’adhésion aux théories conspirationnistes est liée à des failles personnelles, le militantisme n’est pas exclu, « les parcours individuels s’agrègent dans une construction collective », insiste Marie Peltier
Pascale Duval de l’Unadfi constate que « derrière chaque mouvement sectaire il y a un projet politique ou au moins sociétal ». C’est aussi de plus en plus vrai en ce qui concerne le conspirationnisme et désormais, selon la formule du chercheur Tristan Mendes France, « les adeptes du conspirationnisme peuvent passer du “militantisme de clavier à l’acte ». « Ne pas soumettre ses enfants à la vaccination obligatoire en est un, envahir le Capitole en est un autre », précise Mme Duval.
(Sources : La Dépêche & AFP, 17.05.2021)