Décoder la rhétorique complotiste

En réponse aux mesures sanitaires liées à l’épidémie mondiale, les discours complotistes gagnent en visibilité. Pour tenter de comprendre et décrypter ces discours le magazine Québec Science a donné la parole à des spécialistes. 

Pour Alexandre Motulsky-Falardeau, auteur de La rhétorique aujourd’hui, trois moyens principaux permettent de convaincre par un discours : le contenu du discours (le logos), la crédibilité de l’interlocuteur et ses sources (l’ethos) et le caractère notamment émotionnel du public (le pathos). Selon ce spécialiste de la rhétorique les conspirationnistes utilisent les trois à des degrés et des moments différents.

À propos du logos, il rappelle que ce n’est pas parce qu’une affirmation semble découler d’un raisonnement logique qu’elle doit être considérée comme véritable. Il prend l’exemple des sophismes qui sous couvert de vérité se veulent volontairement faux ou des paralogismes dans lesquelles l’erreur est commise de bonne foi.

Concernant l’éthos, il est fréquent de constater que les émetteurs de discours complotistes se présentent comme détenant la vérité souvent en réaction à une « version officielle  trompeuse ». Ce phénomène a pu être observé pendant l’épidémie de Covid-19 durant laquelle la gravité du virus, les mesures sanitaires ou encore le nombre de morts sont remis en cause. Pour Janie Brisson, spécialiste des processus cognitifs dans le contexte du raisonnement logique et chercheuse postdoctorale au Laboratoire de psychologie du développement de l’Université Paris Descartes, si ces discours n’étaient que des mensonges ils seraient faciles à déconstruire, mais ils comportent aussi des faits et des éléments vérifiables. Pour elle, deux caractéristiques majeures se détachent des discours conspirationnistes : la source se présente en victime et elle avance des éléments non falsifiables. Ces deux caractéristiques leur permettent en cas d’attaque de montrer qu’on cherche juste à les faire taire et que par conséquent les éléments qu’ils avancent sont bien vrais.

Enfin concernant le pathos, ou l’état de l’auditoire, selon les spécialistes il est possible de convaincre un public en exploitant ses émotions et ses croyances. Janie Brisson cite notamment l’utilisation de l’intuition lors de l’examen d’une information. Elle rappelle que toutes les intuitions ne sont pas mauvaises mais elles obligent le cerveau à agir rapidement, à éviter donc de réfléchir et de confronter les argumentations. Il est aussi important d’avoir à l’esprit que personne n’est infaillible et qu’il est possible pour tout le monde d’être trompé par ses émotions ou ses biais cognitifs. Il faut aussi se méfier de son entourage, car une fausse information publiée par un proche en qui l’on a confiance peut nous empêcher d’exercer un esprit critique sur cette information. Comprendre comment fonctionnent les mécanismes de ces discours semble être un premier pas pour s’en protéger.

(Source : Québec Science, 21.10.2020)

  • Auteur : Unadfi