Analyse du complotisme

Dans une interview accordée à CNEWS, Pascal Wagner-Egger, chercheur en psychologie sociale à l’Université de Fribourg, revient sur le discours complotiste et partage son analyse scientifique de la question. Il est l’auteur de Psychologie des croyances aux théories du complot – Le bruit de la conspiration, paru en avril 2021.

Pascal Wagner-Egger fait une distinction entre ce qu’il nomme « la religion du complot » et la « science du complot ». Selon lui la première concerne les croyances reposant sur un manque de preuves suffisantes, comme la croyance en Dieu ou aux extra-
terrestres. La deuxième repose sur une enquête et une recherche de preuve à la charge de ceux qui souhaitent démontrer l’existence d’un complot. Pour illustrer la différence entre les deux, le chercheur prend comme exemple l’idée d’une corruption globale du milieu politique. La religion du complot revient à croire que tous les politiciens sont corrompus car une minorité l’est. A l’inverse la science du complot enquête sur les potentiels agissements illicites et cherchent des preuves. Pour Pascal Wagner-Egger, la première s’avère contre-productive car les personnes réellement corrompues vont pouvoir cacher les preuves et une majorité sera accusée à tort. De fait, cette situation rompt la confiance dans la société.

Le chercheur présente dans son livre trois grandes causes possible du complotisme : les causes d’ordre social et politique, les causes d’ordre psychologique et les causes liées à Internet. Ce dernier est celui qui a sans doute le plus bousculé la société en diffusant de façon rapide et globale de la désinformation et des fausses croyances. Internet a aussi permis la création de communautés virtuelles rassemblant des millions de personnes bien au-dela des frontières. Les réseaux sociaux ont aussi permis à n’importe qui de partager du contenu parfois sans avoir vérifié l’information mais sur la base d’un titre sensationnaliste ou allant dans le sens de ses propres opinions.

Au niveau psychologique, le cerveau n’a pas tant changé et l’être humain croit toujours trop vite sur la base d’un mode de pensée intuitif provenant de nos ancêtres qui cherchaient à survivre., Pascal Wagner-Egger constate que la globalisation a rendu le monde plus complexe et les institutions plus lointaines.  Les individus ont alors l’impression d’une perte de contrôle sur leur quotidien et d’une absence de démocratie réelle.

A propos de la légitimité du doute, le chercheur différencie le doute qu’il qualifie de « raisonnable » imputable notamment aux scientifiques et celui des complotistes. Les deuxièmes mettent en scène un doute sans aucune méthode. Selon lui, le doute est important mais il faut une méthode pour pouvoir l’encadrer. Le doute peut être bénéfique mais faute de preuve il n’est qu’une croyance qui doit être utilisé avec prudence.

(Source : CNEWS, 13.09.2021)

Pour lire l’interview dans son intégralité : https://www.cnews.fr/monde/2021-09-13/pascal-wagner-egger-le-complotisme-est-un-discours-de-revanche-contre-les-elites

  • Auteur : Unadfi