Des chefs d’entreprises en croisade 

Sous couvert de défendre le « bien commun », une nouvelle alliance entre catholiques traditionalistes et évangéliques ambitionne de peser dans le paysage culturel et médiatique français. Symboles de ce rapprochement, Vincent Bolloré et la productrice Chantal Barry, figures d’un christianisme identitaire en pleine structuration, dans le sillage du milliardaire Pierre-Édouard Stérin.

Berceau des Lumières et bastion du laïcisme, la France attire, depuis des décennies, les convoitises des mouvances chrétiennes conservatrices, qu’elles soient issues des réseaux catholiques de l’Opus Dei ou des courants évangéliques anglo-saxons. « Le combat culturel est un combat de longue haleine », rappelle le sociologue Philippe Gonzalez, spécialiste du nationalisme chrétien aux États-Unis.

C’est dans ce contexte qu’émerge une alliance inattendue entre deux puissances du monde des affaires. D’un côté, le magnat catholique Vincent Bolloré, de l’autre, la productrice évangélique Chantal Barry. Alliés stratégiques depuis vingt-cinq ans, ils incarnent aujourd’hui la convergence entre deux univers religieux longtemps méfiants l’un envers l’autre. Ensemble, ils ont investi dans la production et la diffusion audiovisuelle, notamment via C8, où l’émission Bienvenue au monastère a révélé une volonté assumée de « reconquête religieuse ».

Le duo s’appuie également sur Progressif Media, une agence de communication qui soutient des influenceurs d’extrême droite et qui est devenue l’une des plaques tournantes de la galaxie identitaire chrétienne. Chantal Barry détient par ailleurs des parts dans Saje Distribution, spécialisée dans le cinéma à tonalité chrétienne. Selon Philippe Gonzalez, « ce mouvement, influent en France, pourrait devenir l’un des principaux vecteurs d’implantation du nationalisme chrétien dans l’Hexagone ».

Cette dynamique s’ancre aussi dans des événements comme le Jésus Festival de Paray-le-Monial, organisé par l’Emmanuel. Au-delà de la ferveur religieuse, ces rencontres participent d’un projet idéologique plus vaste, celui du « bien commun », concept clé de la pensée du juriste américain Adrian Vermeule, théoricien du catholicisme post-libéral, qui prône une société fondée sur la morale chrétienne. Inspiré par ces thèses, le milliardaire Pierre-Édouard Stérin, promoteur de la Nuit du bien commun et du Fonds du bien commun, incarne ce courant ultraconservateur.

Bolloré, Barry, Stérin… Une même ambition semble les relier, celle de replacer la religion au centre du débat public… Au nom du « bien commun » !  

(Source : Libération, 23.10.2025)

  • Auteur : Unadfi