Des catholiques tentés par l’évangile de la prospérité

En Afrique, les messes catholiques prennent des allures de cérémonies pentecôtistes durant lesquelles il est fait l’apologie de la théologie de la prospérité. Lors de cette nouvelle liturgie inconnue de la majorité des catholiques, les paroissiens sont exhortés à faire des dons. Plus important est le don, plus importante sera la récompense. Comment ces catholiques ont-ils été amenés à suivre un concept contraire à leur foi ? 

 

Le Nigéria, le Kenya, le Cameroun, le Ghana, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud et l’Ouganda font partie des pays d’Afrique où les mouvements néo-charismatiques se sont épanouis, amplifiant leur message par le biais du télévangélisme et des médias sociaux. Touchés par la pauvreté et la maladie, ces pays font face à des taux de chômage élevés et à une instabilité politique. L’aide sociale des Etats étant insuffisante, de nombreux Africains cherchent une aide spirituelle.

C’est ainsi que l’évangile de la prospérité est devenu une option particulièrement populaire, enseignant que la précarité est une malédiction, que la maladie et la pénurie peuvent être surmontées si l’on est disposé à être généreux et fidèle.

Le père Donald Zagoré, prêtre de la Société pour les missions africaines, souligne que cette pratique est en contradiction flagrante avec la théologie catholique traditionnelle. Il n’est pas le seul. Ignace Bessi Dogbo, président de la Conférence des évêques de Côte d’Ivoire, a exhorté les dirigeants catholiques à faire face aux « hérésies » promues par les prédicateurs de l’évangile de la prospérité.

L’été dernier, le père Antonio Spadaro SJ, proche du pape, avait lancé un avertissement similaire notant que l’évangile de la prospérité s’était répandu sur tous les continents particulièrement dans les pays en voie de développement. Bien qu’initialement limité aux groupes pentecôtistes, l’évangile de la prospérité est entré par osmose dans les enseignements de nombreux ecclésiastiques catholiques.

Le pasteur nigérian Chris Oyakhilome, éminent défenseur de l’Évangile de la prospérité en Afrique, diffuse son credo charismatique via Facebook à plus de deux millions d’adeptes et à des milliers d’abonnés sur YouTube. Avec ses trois chaînes de télévision par satellite, il peut ainsi étendre sa parole au-delà de l’Afrique, y compris en Grande-Bretagne, où ses auditeurs sont nombreux. Il encourage également ses fidèles à être « connectés » en les initiant si besoin à l’utilisation des ordinateurs ou des smartphones pour répandre encore davantage la parole de Dieu. Grâce à l’ensemble de ses entreprises et de ses stratégies de communication, il a amassé une véritable fortune estimée en 2011 à une quarantaine de millions de dollars.

L’évangélisation est essentielle dans les mouvements charismatiques catholiques comme chez les pentecôtistes. Force est de constater que l’Eglise catholique ne parvient pas à contrecarrer l’expansion des églises évangéliques sur l’ensemble des continents. L’Amérique latine, qui abrite les plus grandes populations catholiques et pentecôtistes, est la région du monde où la théologie est rapidement passée d’un ensemble controversé de croyances et de pratiques en marge du christianisme traditionnel au dogme hégémonique du pentecôtisme latino-américain1. Ce qui plait aux adeptes, c’est la relation directe à Dieu. Alors que les catholiques font une promesse ou un voeu à un saint ou à la Vierge Marie en échange d’une faveur, les pentecôtistes s’adressent directement à Dieu. Les pasteurs encouragent les fidèles à prouver leur foi directement à Dieu à travers les dîmes et les offrandes.

L’Eglise Universelle du Royaume de Dieu (EURD) est sa plus célèbre représentante. Au cours de ses offices, les pasteurs consacrent jusqu’à un tiers du temps à la récolte des dons. Les fidèles placent leurs dons en argent sur une Bible ouverte placée stratégiquement sur l’autel. Ces sollicitations revêtent une telle importance que, selon une blague bien répandue au Brésil, le fondateur, Mgr Macedo, a fait passé la dîme de 10 à 30% : 10% pour le Père, 10% pour le Fils et 10% de plus pour le Saint-Esprit !
Depuis les années 1990, l’influence de l’évangile de la prospérité dans le catholicisme, principalement à travers le renouveau charismatique, a apporté une myriade de croyances et de pratiques pentecôtistes. Certaines églises catholiques du Brésil organisent désormais des « messes des dîmes » qui imitent la tactique de collecte de fonds pentecôtiste, bien que l’incitation au don soit plus discrète.

L’évangile de la prospérité s’épanouit en imitant l’économie du XXIe siècle selon une forme proche de son économie capitaliste : tout comme les actions devraient rapporter des dividendes à l’actionnaire, le croyant qui donne généreusement et prie régulièrement espère obtenir un retour sur investissement sous la forme d’une bonne santé et de richesses.

(Source : Catholic Herald(2), 29.11.2018)

1. Lire sur le site de l’Unadfi, L’avenir du Brésil aux mains des évangéliques ? : https://www.unadfi.org/groupes-et-mouvances/l-avenir-du-bresil-aux-mains-des-evangeliques/

2. Article rédigé par Kate Kingsbury professeure auxiliaire à l’Université de l’Alberta, Andrew Chesnut titulaire de la chaire en études catholiques et Walter F Sullivan évêque et professeur en études religieuses à la Virginia Commonwealth University