Secte Moon : mort du gourou

L’Eglise de l’Unification (ou Association de l’esprit saint pour l’unification du christianisme mondial) vient de perdre son fondateur, Sun Myung Moon, décédé le 2 septembre 2012 à Séoul en Corée du Sud, à l’âge de 92 ans. C’est en 1954 qu’il avait créé son mouvement, plus connu en France sous le nom de « secte Moon ».


En 1957, Sun Myung Moon publie « Les Principes divins », ouvrage dans lequel il expose sa doctrine, synthèse entre la pensée extrême-orientale et le judéo-christianisme.

En France, la secte Moon a eu son heure de gloire dans les années 70 et 80. La secte avait recruté des étudiants « un peu perdus » après les évènements de mai 1968, et en recherche « de nouvelles formes de spiritualité », relève Catherine Picard, présidente de l’UNADFI. A cette époque, rappelle-t-elle, le mélange entre « l’orientalisme très en vogue» et « la philosophie chrétienne revisitée » avait séduit un grand nombre de jeunes. L’emprise exercée sur eux était très forte. Ils rompaient alors tous liens avec leur famille et leurs amis, arrêtaient leurs études. Envoyés à l’étranger, leurs papiers d’identité étaient ensuite confisqués. Certains d’entre eux n’ont plus jamais donné signe de vie.
Depuis les années 90, la secte a connu un « net déclin » en France, coïncidant avec la « vigilance accrue des pouvoirs publics ».

Aujourd’hui, la secte qui compte entre 200 et 300 adeptes n’a plus qu’une activité extrêmement réduite dans des centres dits « culturels ». L’espace « Culture et paix » dans le XIIIe arrondissement de Paris dépend notamment de la secte, explique Hervé Machi, secrétaire général de la Miviludes, qui ajoute que l’Eglise de l’Unification était citée comme « mouvement sectaire » dans les rapports parlementaires de 1995 et de 1999 où il était fait état à son sujet de « lavage de cerveau », « d’endoctrinement des jeunes » et de « captage d’argent »… Le mouvement possédait à cette époque un patrimoine immobilier et financier dans l’hexagone.

Désormais, la secte est surtout implantée aux Etats-Unis, au Japon, en Corée du Sud et elle garde « un poids non négligeable » en Amérique du Sud. Elle revendique trois millions de fidèles dans près de 200 pays. Un chiffre contesté par plusieurs experts internationaux selon lesquels le nombre d’adeptes se situerait plutôt autour de 100.000.

Parallèlement à son mouvement, Sun Myung Moon a mis sur pied un vaste empire industriel et commercialPour information, une liste des entreprises et associations moonistes]]. En « faisant travailler bénévolement ses adeptes », souligne Catherine Picard. Les ramifications de cet empire vont du secteur de la construction, à l’industrie et à l’éducation, en passant par l’agro-alimentaireLire l’article de Bulles n°94 sur le commerce de poisson cru aux Etats-Unis : [Les sushis et le révérend Moon]] et l’humanitaire. Moon a également investi le secteur des médias. Propriétaire de plusieurs journaux conservateurs en Corée du Sud, il a racheté l’agence de presse américaine United Press International et a fondé, via son groupe News World Communications Inc, le « Washington Times » qui lui aurait coûté entre un et deux milliards de dollars !)[1]

L’Eglise de l’Unification étend encore son influence internationale via des structures associatives et caritatives, « défendant la paix ou la famille », comme la Fédération des familles pour la paix mondiale ou la Fédération universelle pour la paix ». Certaines de ces structures ont obtenu un statut consultatif auprès d’instances internationales comme les Nations-Unis, fait remarquer Hervé Machi. Ce statut d’Organisation non gouvernementale (ONG) lui permet d’intervenir « lors de conférences internationales et de s’offrir une respectabilité ».

En Corée du Sud, l’Eglise de l’Unification avait connu des débuts difficiles. Sun Myung affirmant avoir été missionné par Jésus lui-même, les groupes chrétiens traditionnels le jugeaient alors « hérétique ».

Selon Kim Heing, professeur à l’université coréenne de Mokwon, Moon avait choisi comme « stratégie de survie » la proximité avec le gouvernement sud-coréen de l’époque, un régime militaire, faisant par exemple de la lutte contre le communisme l’un des « principaux credo » de son mouvement. Lorsque Moon s’installe aux Etats-Unis en 1972, il s’appuie sur la même stratégie en se positionnant comme un partisan de la guerre du Vietnam, « estimant que c’était une guerre contre les communistes ». Moon saura développer de « bonnes relations » avec les dirigeants conservateurs américains tels les anciens présidents républicains, Richard Nixon, Ronald Reagan et Georges H.W. Bush. En 1981, il sera pourtant condamné aux Etats-Unis à 13 mois de prison pour fraude fiscale ! En France, affirme Le Monde, l’anti-communisme rapprochera la secte Moon du Front National dans les années 80. En 1986, un membre de la secte en France, Pierre Ceyrac, est élu député Front National.

L’une des caractéristiques marquantes de l’organisation mooniste reste ses mariages collectifs au cours desquels Moon et son épouse, Hak Han Moon, considérés comme les « vrais parents », bénissaient des adeptes de nationalités différentes qui, pour la plupart, ne se connaissaient pas. La célébration du premier mariage se déroulera avec quelques couples à Séoul au début des années 60. Vingt deux ans plus tard, en 1982, plusieurs milliers de couples « s’unirent» au Madison Square Garden de New York. Ces mariages interculturels qui perdurent aujourd’hui encore, « sont le moyen le plus rapide d’arriver à un monde idéal de paix », expliquait Moon dans une autobiographie publiée en 2009.

L’histoire de la famille Moon, quant à elle, a été riche en scandales et en drames : brouilles, décès, suicides, procès, querelles publiques et même diffusion de secrets intimes lors d’émissions de télé-réalité ! Il reste 10 filles et fils encore vivants auxquels leur père avait confié la direction des diverses organisations, non sans vagues… Le plus jeune des sept fils, Hyung Jin Moon, a pris la tête de l’Eglise de l’Unification en 2008, à l’âge de 28 ans. Quant à l’un de ses frères aînés, Kook-jin Moon, âgé de 42 ans, également appelé Justin, il dirige le groupe commercial Tongildont fait partie l’entreprise Kahr Arms, qu’il a créée, et qui prospère sur le marché américain et international des armes… [2]

Les funérailles de Sun Myung Moon auront lieu le 15 septembre 2012 dans le gigantesque complexe de la secte, à Gapyeong, à l’est de Séoul.

Source : Le Monde.fr, Abel Mestre, 03.09.2012 & Le Nouvel Observateur / Sipa, 03.09.2012 & Quoi ? Marie Conquy & Le Temps, Olivier Perrin, 03.09.2012 & news.yahoo.com / A.P., Foster Klug, 04.09.2012 & La Presse canadienne / A.P., 03.07.2012 & Cibles, Magali Compagnon, avril 2011

[1] En 2010, le « Washington Post » relatait les difficultés que connaissait le « Washington Times ». [A lire le site de l’UNADFI.
[2] Ce qui est paradoxal puisque l’église mooniste se pose en défenseur de la « paix » au travers de fédérations oeuvrant pour «la paix mondiale». Sur la création de cette entreprise, on peut [lire Money, Guns, and God (en anglais) ou la revue française [« Cibles » d’avril 2011