Retrouver sa dignité

La romancière Taylor Stevens, a passé son enfance dans la secte apocalyptique des Enfants de Dieu, un mouvement né dans les milieux hippies à la fin des années 1960. Elle raconte sa vie au sein de la secte en évoquant des souvenirs souvent douloureux qui la hantent encore aujourd’hui.

L’enracinement, la notion de propriété et l’attachement étant proscrits chez les Enfants de Dieu, les adeptes allaient et venaient d’une communauté à l’autre, d’un pays à l’autre. La notion de famille était élargie à la communauté et ne tenait pas compte des liens du sang. Ainsi, Taylor pouvait voir partir du jour au lendemain un parent, un frère ou un ami.
Elle a vécu sur trois continents et dans plus d’une douzaine de pays. Ses souvenirs les plus douloureux démarrent en Asie où elle débarque à l’âge de 12 ans. Elle doit vivre entre le Japon et la Corée du Sud, parfois avec ses parents, souvent sans. Les changements de domicile sont si fréquents qu’elle ne parvient plus à retenir son adresse.
À l’âge de 14 ans, elle prend conscience de cette vie mais souffre de ne plus croire aux préceptes qu’on lui a inculqués. Elle pense au suicide, puis se rebelle. Les dirigeants en déduisent qu’elle agit mal par manque d’amour et l’obligent à avoir des relations sexuelles
avec eux.
Tous les jours se ressemblent : il faut mendier et trouver de quoi manger et se loger gratuitement car l’argent collecté est destiné aux dirigeants de la communauté. Elle vit mal les heures passées dans le froid à quémander de l’argent, récoltant davantage de refus que de sollicitude. Le souvenir de cette humiliation la hante encore aujourd’hui.
N’ayant pas accès aux livres, à la musique ou au cinéma, elle trouve secrètement refuge dans l’écriture.
Lorsque ses cahiers sont découverts, ils sont confisqués et brûlés. Pour avoir bravé un interdit, Taylor est isolée et privée de nourriture durant plusieurs jours, précautions prises pour qu’elle ne « contamine » pas ses congénères et pour affaiblir son corps afin de la débarrasser des démons qui avaient pris possession d’elle.
À 17 ans, elle quitte enfin l’Asie pour rejoindre l’Afrique. Les années passent et Taylor se marie avec un membre de la secte avec qui elle a deux enfants.
Derrière une apparente docilité, elle continue de souffrir et de pester contre les abus de la secte.
Elle trouve la force de s’enfuir à l’âge de 29 ans, rejoint les Etats-Unis et s’installe au Texas. Elle est devenue une romancière reconnue.
Elle a pris une revanche sur le passé en retournant au Japon et en offrant à ses enfants un toit et de la nourriture qu’elle a payés retrouvant ainsi sa dignité
sa dignité.

(Source : Salon, 05.07.2015)