Pas de déclin pour les sectes

C’est après un long travail de reconstruction personnelle que la réalisatrice Sarah Suco a trouvé la force de raconter son histoire dans son premier long métrage, Les Eblouis, à travers le personnage de Camille, une jeune fille de douze ans dont les parents, endoctrinés par le « berger » d’une communauté catholique charismatique, ont mis leur famille en péril.

Pendant de nombreuses années, Sarah Suco a pensé être la seule dans son cas, mais beaucoup d’autres victimes ont vécu son expérience. C’est ainsi que le journal Elle partage, dans un article intitulé « Où se cachent les sectes ? », deux témoignages reflétant l’évolution récente du phénomène sectaire.

Dans les années 1970, époque où les premières communautés sectaires sont apparues en France, on avait affaire à des groupes internationaux s’apparentant à des multinationales, tant le nombre de leurs adeptes était élevé. Aujourd’hui « le phénomène est insidieux car il est très diffus et prend des formes qui ne correspondent pas à l’image qu’on se fait d’une organisation sectaire », selon Anne Josso, secrétaire générale de la Miviludes qui souligne également un nombre de signalements en hausse auprès de la mission. Le web devient une véritable vitrine pour une multitude de microstrutures dont les champs d’action concernent pour une bonne part les secteurs de la santé, du bien-être et du coaching.

Romane, qui s’est confiée au journal, est tombée entre les griffes d’une coach après l’annonce de son cancer du sein. Son médecin lui ayant conseillé de chercher une aide psychologique pour la soutenir dans cette épreuve, elle a choisi sur un tchat ce coach qui s’est montrée très rassurante. Rapidement, Romane n’a plus pu se passer de ses conseils, d’abord donnés sur le tchat, puis au moyen de DVD vendus au prix de 60 euros l’unité. Croyant que son salut ne pouvait passer que par les instructions de sa coach, Romane s’est coupé de sa famille et a fini par croire que les cures de jus et les prières préconisées allaient la guérir. Sur le point d’arrêter sa chimiothérapie, en état de grande vulnérabilité, elle sera sauvée in extremis par ses parents. L’emprise est encore très forte, et même si elle a porté plainte, elle n’en demeure pas moins encore attachée à sa coach.

La sphère professionnelle n’est pas épargnée par le phénomène. Emilie, autre témoin, en a fait la douloureuse expérience avec un coach spécialiste du monde du travail. Venant d’être licenciée et ayant des difficultés pour concevoir un enfant, Emilie s’adresse à lui en espérant trouver de l’aide face à ses difficultés. Le coach va profiter de sa vulnérabilité pour abuser d’elle sexuellement puis disparaître sans laisser de trace, la laissant dans un profond désarroi psychologique. Elle finira par se confier à son mari, mais n’a pas la force de porter plainte contre le coach.

Les personnes sont attirées par des propositions séduisantes puis la moindre faille est exploitée pour assoir une emprise accentuée par une rupture forcée avec l’environnement familier. Privée de son libre arbitre et de ses repères, la victime devenue dépendante en arrive à accepter l’inacceptable, et subit ruine financière, violences, viol.

S’il existe depuis 2001 une loi punissant l’abus de faiblesse, peu de condamnations ont été prononcées car les preuves sont difficiles à réunir. La plupart des poursuites sont engagées sur des faits d’escroquerie, d’exercice illégal de la médecine, de violences ou d’agressions sexuelles.

(Source : Elle, 21.11.2019)

  • Auteur : Unadfi