Parc d’Accueil : peine maximale requise contre la gourelle

Le procureur de la République de Lisieux, Bruno Dieudonné, a requis la peine maximale, soit 5 ans d’emprisonnement ferme, pour la gourelle du Parc d’Accueil, Françoise Dercle qui comparaissait pour « abus frauduleux de l’ignorance ou de la faiblesse d’un tiers », dans le cadre de la loi About-Picard. Elle est accusée d’avoir placé sous son emprise une vingtaine d’adeptes entre 2002 et 2007. Seules une dizaine de victimes ont pu aller au terme de la procédure et se sont portées partie civiles. Elles voulaient témoigner de « l’enfer d’une prison mentale sur fond de violences morales, physiques et sexuelles ». Ce procès clôt 5 années d’instruction judiciaire. A la demande de parties civiles, il s’est déroulé à huis-clos.

Françoise Dercle, 56 ans, mère de 3 enfants, est une ancienne professeure d’anglais à la fondation des Orphelins apprentis d’Auteuil auprès de jeunes désocialisés. Elle fonde « Torrent de Vie », puis le « Parc d’Accueil » entourée d’hommes et de femmes actifs dans diverses communautés religieuses. Décrite par ses accusateurs comme séductrice et très sûre d’elle, elle s’était autoproclamée « épouse de Dieu », «incarnation du Saint-Esprit» ou «déesse de la beauté», et se faisait appeler «Reine».

Le 27 juin 2007, une trentaine de policiers avaient mis un terme aux activités de Françoise Dercle et du groupe du Parc d’Accueil en faisant irruption dans le pavillon de Lisieux (siège de l’association). Cette maison, ainsi que qu’une autre propriété de Françoise Dercle à Moyaux, ont été réquisitionnées. L’enquête révèlera que ces biens immobiliers appartiennent exclusivement à Françoise Dercle alors que les adeptes avaient largement contribué à leurs acquisitions. Au total, elle leur aura extorqué près de 400 000 euros, leur expliquant que leur « réussite financière était un don de Jésus » et qu’il fallait le lui rendre. Elle explique au tribunal : « Oui, tout était à mon nom, j’ai fait ça comme ça, c’était bête et méchant, j’ai jamais voulu voler ».

Alors que Françoise Dercle déclare au tribunal « J’ai peut-être commis des erreurs, mais je n’ai pas voulu faire de mal », les victimes rapportent qu’elle se livrait à des séances publiques d’humiliation qu’elle appelait « Cœur à cœur ». Elle faisait preuve de violence, frappant et crachant sur celles et ceux qui contestaient son autorité, et préconisait la délation.

Les victimes relatent également au tribunal que la prévenue organisait des « navigations », séances durant lesquelles elle réunissait les adeptes dans une pièce jonchée de matelas et leur imposait des relations sexuelles sur fond d’incantations. Elle composait les couples, forçait les femmes à s’ébattre entre elles, allant jusqu’à exiger des relations incestueuses.

Le tribunal ne manque pas de mettre en avant le fait que Françoise Dercle prenait part aux « mêlées célestes », séances d’étreintes et d’embrassades, mais que ni elle ni son compagnon ne participait aux « navigations ».

Pour se défendre, Françoise Dercle explique à la cour « Oui j’ai demandé à des mères d’avoir des rapports sexuels avec leurs fils, mais on était dans une vibration, on était dans une autre dimension, la cinquième… ». Cette « autre dimension », Françoise Dercle s’y référera à maintes reprises ainsi qu’au « psitt » onomatopée pour désigner le passage dans cette « autre dimension ».

L’une des victimes a témoigné au micro de RTL : «J’ai tout perdu, elle m’a tout volé. J’ai perdu ma liberté, mon âme. Elle m’a volé ma parole, mes biens matériels, elle m’a volé ma famille puisqu’elle m’a fait couper les liens avec mes amis. Je me suis retrouvée sans plus personne, elle m’a coupée du monde, je n’avais même plus d’informations du monde qui était autour de nous. Moi à l’époque, je ne savais même pas qui était le président de la République. Elle m’a violentée physiquement, elle m’a volé ma dignité, elle m’a tout pris. Je me souviens qu’en sa présence, on devait toujours baisser les yeux. Qu’elle nous humilie ou qu’elle nous élève, il fallait le faire.»
Catherine Picard co-auteure de la loi About-Picard et présidente de l’Union nationale des Associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (l’une des parties civiles) a été entendue à la barre : « La victime sectaire est une victime particulière car il lui faut un temps souvent long pour réaliser qu’elle est victime ; elle s’est retirée au fil du temps pour ne plus appartenir qu’à une personne et ses diktats, pour ne plus disposer d’aucune autonomie. L’emprise est très « déconstructive ». »

Un expert psychiatre spécialisé a indiqué au tribunal : « La secte est une cage virtuelle, sécurisante, qui vous maintient mais qui vous emprisonne. Dans un 1er temps, on ne peut pas convaincre une victime de secte, on ne peut que l’écouter ».
Ce sont deux plaintes, déposées l’une en 2004 et l’autre en 2006, qui ont conduit les enquêteurs à Françoise Dercle et au Parc d’Accueil. Plusieurs adeptes avaient été mises en examen mais seule Françoise Dercle et une autre femme, soupçonnée de complicité à l’époque et reconnue victime depuis, avaient été incarcérées.

Les réquisitions de Bruno Dieudonné n’ont pas laissé l’assistance indifférente. S’adressant aux victimes et, plus particulièrement, à celles qui avaient été mises en examen, le procureur déclare : « Vous êtes victimes et rien d’autre. La justice s’est trompée, elle vous doit des excuses sincères ». Avant de lancer à la prévenue : « Vous avez instauré un système totalitaire », « cette affaire, c’est le triomphe de la loi sur l’obscurantisme ». Déplorant sa stratégie de défense, il ajoute : « votre défense a fait psitt »… En plus des 5 ans de prison ferme, il a également requis l’interdiction pour Françoise Dercle d’exercer une fonction publique, d’exercer ses droits civils, civiques et familiaux durant 5 années et la confiscation de ses deux immeubles.

Selon Me Rouiller, avocat de parties civiles, Françoise Dercle semble toujours avoir une certaine emprise sur les victimes et « continue ses activité ». Des vidéos retransmises lors du deuxième jour de l’audience, semblent corroborer cette affirmation.

La décision du tribunal a été mise en délibéré au 22 janvier 2013. Françoise Dercle est donc ressortie libre du tribunal.

Source : OuestFrance.fr, 26.11.2012 &Tendance Ouest, 28.11.2012 & L’Express, le 28.11.2012 & Paris-Normandie/AFP, le 26.11.2012 & France3 Basse-Normandie, 28.11.2012 & Paris-Match, Kahina Sekkai, 26.11.2012 & RTL, 26.11.2012