La Contre-Réforme Catholique ou Communion Phalangiste

BULLES, juin 1991

Historique

Né le 3 avril 1924 à Toulon, Georges de Nantes, après s’être engagé en 1942 dans les Chantiers de jeunesse, entre au Séminaire Saint-Sulpice, à Issy-les-Moulineaux, en 1943. Nonobstant les vives inquiétudes que causaient à ses supérieurs ecclésiastiques ses options politiques et théologiques, il est ordonné prêtre à Grenoble, son diocèse d’origine, le 27 mars 1948.

Son ministère sacerdotal sera une longue suite d’échecs. De 1948 à 1950, il est professeur de philosophie et de théologie chez les Frères missionnaires des campagnes. Il en est renvoyé en raison de sa collaboration à Aspects de la France en tant que chroniqueur de politique religieuse sous le pseudonyme de Amicus. De même, il est congédié par le curé de la paroisse Saint-Bruno de Grenoble où il exerçait son ministère pendant les vacances, de 1948 à 1950. En 1952, il est expulsé du diocèse de Paris par le cardinal Feltin.

Fort de ses diplômes – certificat de psychologie, licence de sciences sociales, licence de philosophie scolastique, licence de lettres, licence de théologie – Georges de Nantes cherche à être nommé professeur de théologie au Grand Séminaire de Grenoble qu’il doit quitter au bout de trois mois. Il devient alors aumônier puis professeur de philosophie au collège Saint Martin de Pontoise, en 1953. Croyant à un «appel soudain et irrépressible», il entre chez les Carmes, qui lui refuseront l’accès au noviciat. De 1955 à 1958, il est à nouveau professeur de philosophie dans un collège de Normandie.

Ces multiples échecs n’entament en rien mais au contraire avivent le rêve qui le hante depuis 1938 – il avait alors quatorze ans – «être moine missionnaire», l’imitation du Père de Foucauld. Il parvient à se faire accueillir dans le diocèse de Troyes où il est nommé curé d’une petite paroisse rurale, à Villemaur. Là, il fonde, le 15 septembre 1958, avec plusieurs de ses anciens élèves, la Communauté des Petits Frères du Sacré-Cœur de Jésus, s’inspirant du Père de Foucauld.

En mars 1962, ses prises de position pendant et au lendemain de la guerre d’Algérie lui valent perquisition, garde-à-vue, internement et finalement, le 11 mars 1963, ordre de l’Évêque de Troyes de quitter sa paroisse et le diocèse de Troyes. Le 15 septembre 1963, bravant cette interdiction, Georges de Nantes installe dans l’Aube, à Saint-Parres-les-Vaudes, sa communauté sous le nom de Maison Saint Joseph.

Dès lors, vont se succéder les condamnations de l’Eglise catholique. En 1963, il est suspens ab officio et, le 25 août 1966, suspens a divinis (interdiction de prêcher et de célébrer les sacrements). Le 9 août 1969, il est disqualifié par Rome (sentence prononcée contre quelqu’un qui en appelle au Pape tout en récusant son autorité en cas de condamnation). Enfin, en 1970, l’Évêque de Grenoble refuse de lui renouveler son celebret (interdiction de célébrer l’Eucharistie).

En 1970, une communauté de religieuses vient s’adjoindre à la Communauté du Sacré-Cœur, la Maison Sainte-Marie.

En dehors des moines et des moniales, Georges de Nantes fonde, la même année, La ligue de la Contre-Réforme Catholique qui, en 1984, en raison de son déclin, est remplacée par la Phalange , ou Communion phalangiste.

 

Doctrine

Disciple de Maurras, mais disciple dépassant le maître, Georges de Nantes ne peut s’empêcher de voir derrière chaque homme politique un démocrate ou un révolutionnaire, un radical-socialiste ou un communiste ou encore un juif ou un franc-maçon et derrière chaque homme d’Église, qu’il soit prêtre, évêque ou pape, un moderniste, un progressiste, un hérétique et un schismatique.

Dans son livre Les 150 points de la phalange (1982), Georges de Nantes a résumé sa doctrine politico-religieuse. La thèse est simple : la démocratie, fille de la Révolution, est la seule cause de tous les maux qui déferlent sur la France et sur le monde. Il faut à la France un dictateur pour restaurer la monarchie, seul régime politique reconnu et accrédité par Dieu.

A ses dons d’analyste et de stratège politique, G. de Nantes ajoute son charisme de prophète inspiré. Il prédit, le 21 novembre 1981, l’invasion de l’Europe en 1983 par les armées soviétiques : «Le débarquement des sous-marins soviétiques en rade de Brest, la capitulation sans honneur et sans condition, l’esclavage, la famine, la déportation et l’apostasie de tout un peuple» (Bulletin CRC, n° 172). «L’analyste politique que je suis le déclare sérieusement : les trois-quarts d’entre nous mourront d’ici trois ans, dans l’horreur d’un conflit mondial apocalyptique.» (CRC n° 151, mars 1980).

Bien sûr, l’échéance 1983 n’a pas eu lieu ; elle fut reportée en 1985, sans plus de succès. Pour l’heure, la date fatidique a été reculée à l’an 2000 : «L’an 2000 ne passera pas que tout soit accompli» (Bulletin CRC, n° 202).
Toutefois, «en attendant que Dieu donne la victoire», «les hommes d’armes doivent batailler ». Et G. de Nantes de mobiliser ses moniales, ses moines soldats et ses phalangistes pour la sainte croisade qui peut les amener à « être traînés devant les juges, jetés en prison, … mis à mort. C’est normal, c’est ça l’Évangile » (Session phalangiste, Toussaint 1985). Après avoir défendu à ses militants de participer aux élections législatives (voter est un acte démocratique, donc interdit à tout phalangiste), G. de Nantes leur ordonne de voter Chirac aux élections présidentielles (25 janvier 1987).

Mais Georges de Nantes n’est pas seulement l’homme providentiel chargé de sauver la France, il est aussi et en même temps « l’homme de Dieu mis au monde pour vaincre l’Antéchrist » (Bulletin CRC n0 252, février 1989) et restaurer l’Église qui s’effondre depuis le Concile Vatican II. Là encore, convient-il de batailler et de batailler dur contre les prêtres, les évêques, le Pape et tous les tenants du Concile Vatican II. Contre eux, G. de Nantes a engagé avec ses moines, ses moniales et ses phalangistes « une guerre avec la bête qui trône à Rome sous les apparences de Dieu mais qui parle comme un monstre de Satan » (Lettre aux Amis, juin 1983).

Le 10 avril 1973, il porte plainte contre le Pape Paul VI, et le 13 mai 1983 contre Jean-Paul II, «pour schisme, hérésie et scandale». Il fait appel au jugement de Dieu contre le Cardinal Lustiger, « pour que, dans l’espace d’un an, de la fête du 8 décembre 1986 à celle du 8 décembre 1987, le Seigneur rappelle à Lui l’homme de mensonge et d’homicide spirituel, tenant de l’hérésie (qu’est nécessairement lui ou le cardinal) par une mort naturelle exempte de toute intervention humaine, la préparant, la précipitant et en conservant la vie saine et sauve à l’homme de pleine foi et obéissance catholique, pour en être dès lors le témoin autorisé dans l’Église » (Bulletin CRC, no 228, dic. 1986). G. de Nantes rassure ses adeptes en leur affirmant que c’est lui que Dieu sauvera. Les phalangistes s’engagent à réciter chaque jour pendant un an, un chapelet ou un rosaire pour obtenir la condamnation et la mort de Monseigneur Lustiger. Depuis le 8 décembre 1987 et jusqu’à ce jour, le « cardinal est toujours vivant ».

On aurait bien tort de croire que les décrets conciliaires sur « l’Église », sur « l’Église dans le monde de ce temps », sur « la liberté religieuse » soient à l’origine de la lutte acharnée que G. de Nantes mène contre l’Église. Le Concile n’est pour lui qu’une occasion rêvée de rajeunir le combat qu’il a engagé depuis toujours, comme le prouve suffisamment sa biographie, avant le Concile.

Mais Georges de Nantes ne veut pas apparaître comme « un prophète de malheur ». En même temps qu’il annonce les catastrophes imminentes qui vont s’abattre sur le monde et sur l’Église, – fruits d’un châtiment cent fois mérité -, il prédit « la grande victoire contre Satan, selon la promesse de Fatima. Je crois possible, d’ici dix ans, la conversion du monde entier et l’entrée de centaines de millions de convertis du paganisme, de l’Islam, du communisme et déjà de toutes les chrétientés dissidentes dans l’unique bercail et la seule Église de Jésus-Christ » (Bulletin CRC, n0 73). « Je vois se construire assez vaste la cathédrale de l’avenir pour contenir tous les peuples de la terre et si magnifique qu’il y seront heureux pour mille ans » (Bulletin CRC, n° 185, Lettre aux amis, 15 janvier 1983). Cette espérance, il la prophétise depuis 1974 : «Il n’y a pas d’illuminisme à espérer le millénaire promis» (CRC 1983, août 1974).
Hélas ! L’horloge de Georges de Nantes qui règle la vie de son monastère et de sa phalange s’est arrêtée définitivement à la mort de Pie X, en 1914 et la première panne remonte à 1789 !

 

Activités

Les activités religieuses, politiques et littéraires de Georges de Nantes et de la CRC sont considérables.

Les écrits de Georges de Nantes, théologien, politique, polémiste, mémorialiste, constituent une véritable bibliothèque à laquelle il convient d’adjoindre une énorme discothèque qui contient une quantité impressionnante d’enregistrements audio et vidéo.

Un bulletin mensuel intitulé La Contre-réforme Catholique complété par la Lettre de la Communion phalangiste, édité en français, néerlandais et allemand, est tiré à 20.000 exemplaires.

Réunions mensuelles à la Mutualité à Paris, sessions, retraites, camps pour les jeunes, week-ends de formation, affichage sauvage des campagnes CRC, défilés et manifestations à l’occasion de la fête de Jeanne d’Arc, pèlerinages sont les principales activités de la CRC.

Au service de cette propagande, les moines et moniales constituent une main-d’œuvre gratuite et dévouée qui d’ailleurs ne cotise pas à la Sécurité sociale et ne rechigne pas sur les heures supplémentaires.

 

Finances

Pour la majeure partie, les ressources de la CRC proviennent de la générosité des adeptes qu’on ne manque pas de solliciter fréquemment. Mais les produits de la Maison Saint Joseph ou de la Maison Sainte-Famille, véritables maisons d’édition et industrie audio-visuelle, sont une source importante de revenus. La S.C.I. Maison Saint Joseph est une société prospère.

 

Climat

«Mon angoisse, je veux que vous l’ayez aussi». Par l’annonce constamment renouvelée de catastrophes ou de châtiments divins imminents, la communauté de G. de Nantes vit dans un climat de peur, d’angoisse, de culpabilisation et de délation.
Seul prêtre, seul directeur de conscience, seul maître à penser, seul maître à bord, Georges de Nantes exige des siens une obéissance aveugle, scellée pour les moines par les vœux et pour les phalangistes par l’acte d’allégeance. «Vous devez vous contenter d’obéir… la désobéissance, elle, se transforme en châtiment. J’exclus que je puisse me tromper… Ce que nous sommes en droit d’attendre de vous : c’est un trépas de la volonté» (Congrès 1985, L 52).

Au nom de cette obéissance, la rupture des relations s’impose avec tout parent, ami ou conjoint qui se trouve en désaccord avec les théories ou méthodes de la CRC. « Il faut briser les liens de famille pour son salut » (Sermon pour la Sainte Famille. Janvier 1984).

Or, un jour de septembre 1989, l’impossible contestation éclata : dix moniales et un moine témoins ou victimes de faits mettant en cause «l’honnêteté du Père» firent sécession, faute d’avoir obtenu la démission de leur Fondateur (Cassette du Congrès spontané, 1er octobre 1989). Aussitôt, brandissant la menace de la « malédiction divine », G. de Nantes parvint à faire promettre à tous « d’observer sur tout un silence absolu ».

Frangois DECARIS-DENION, Président de l’association Espoir et Dialogue[1].

[1] Espoir et Dialogue est une association dont l’objectif est d’informer les familles « pour prévenir et sauver » et « prévoir l’après de Nantes ». Siège social : 23 rue Serenne, 45000 Orléans.