Japon / Aum : une nouvelle génération d’admirateurs

A la fois fascinés par le côté sombre d’Aum et insatisfaits par leur propre existence, des jeunes gens vouent une admiration aux membres criminels de la secte apocalyptique.


Ils se font appeler « Aumers ». Certains les adulent comme des idoles, d’autres se sentent proches de leur folie et s’identifient à eux.

Un « Aumer » auto-proclamé de vingt ans, livre sur son blog toute la fascination que la secte exerce sur lui. Une autre surnommée « Shiruneko » avoue en ligne que sa vie est misérable. Elle déplore une enfance défavorisée et des relations familiales insatisfaisantes. Elle ne se prétend pas adepte d’Aum et n’a d’ailleurs jamais eu envie de le devenir ; elle ne supporterait pas la vie ascétique imposée par la secte. Mais en dépit de ses dénégations, des experts avertissent qu’elle, comme d’autres, sont des cibles potentielles de la secte. Et parce qu’ils ne mesurent pas la gravité des crimes commis par les membres d’Aum, ils sont également des criminels potentiels.

Le successeur et rival de Shoko Asahara, fondateur d’Aum, s’appelle Hikari No Wa. Le groupe, qu’il a rebaptisé Aleph, compterait 1 650 membres selon l’Agence du renseignement de sécurité publique. Soit 150 de plus que l’an dernier et une hausse marquée chez les jeunes âgés d’une vingtaine d’années.

La « blogueuse » Shiruneko a admis que son intérêt pour Aum a démarré après avoir vu Makoto Hirata à la télévision lorsqu’il s’est rendu à la police en 2011. Elle l’a trouvé étonnement beau. Surfant sur Internet pour glaner davantage d’informations sur la secte, elle s’est découvert un nouveau favori : Tomomitsu Niimi, un membre de la secte condamné à mort. Elle a été séduite par son côté « beau criminel fou » arborant un sourire décomplexé le jour de son arrestation…

La plupart des autres « Aumers » rencontrés en ligne, principalement grâce à Twitter, sont « étonnamment jeunes. Des adolescents » a-t-elle ajouté.

Satoshi Hosokawa, un cuisinier de 31 ans à Tokyo affirme, quant à lui, qu’il comprend la gravité et la nature impardonnable des crimes perpétrés par la secte mais admet aussi qu’il pourrait sympathiser avec ses adeptes. « Ce n’est pas comme s’ils avaient tué des gens par cruauté. Ils n’ont fait qu’obéir à leur gourou et pensaient que c’est une bonne chose à faire… D’une certaine manière, que la mise à mort était une bonne action ».

Hosokawa est fasciné par la capacité d’Asahara à gagner la confiance de ses disciples et à construire son propre « empire » pour réaliser ses ambitions.

Les Aumers sont loin d’être les seuls. Lorsque Tatsuya Ichihashi a été arrêté en 2009 pour le viol et l’assassinat de Lindsay Ann Hawker, après deux années de cavale, il a attiré des femmes éprises de son regard.

Kanae Kijima, 39 ans, condamnée à mort, surnommée la « veuve noire », reconnue coupable du meurtre de trois hommes a également des fans féminines, souvent surnommées « Kanae girls », qui sont fascinées par son pouvoir de séduction sur ses victimes. Mais contrairement aux « Aumers », les « Kanae girls » ne sont pas prêtes à reproduire les crimes.

Interrogé sur les jeunes Aumers émergents, un ancien membre a déclaré : « Certains d’entre eux ressentent une profonde sympathie pour la secte. Je pense que la possibilité (de les transformer en criminels) n’est pas nulle ».

Pour Shoko Egawa, une journaliste indépendante qui suit les affaires liées à Aum depuis des années, « Les gens qui sont frustrés pour une raison ou une autre peuvent facilement s’identifier aux membres d’Aum parce que, comme eux, ils considèrent la société comme une ennemie » et c’est « exactement le genre d’angoisse que la secte est déterminée à exploiter ».

Source : Japan Times, Tomohiro Osaki, 20.03.2014