Foix : le procès de Robert Lé Dinh dit Tang

Verdict

Placé sous contrôle judiciaire depuis septembre 2009, après deux ans d’emprisonnement, Robert Lé Dinh, dit Tang, comparaissait libre devant les assises de l’Ariège, à Foix, du 10 au 18 septembre 2010, accusé par cinq femmes, dont deux mineures à l’époque des faits, de viols, agressions sexuelles et abus de faiblesse perpétrés au sein d’une « communauté » pseudo-religieuse qu’il avait fondée.


Agé aujourd’hui de 51 ans, Il dispensait ses « enseignements » à une vingtaine de personnes, d’abord dans le Lot-et-Garonne, puis, à partir de 2005, dans l’Ariège, créant plusieurs associations caritatives, sportives, humanitaires telles que l’EMP (Enseignement de maître Philippe), l’ADLEIF (Association de défense des libertés dans l’institution française) qui avait pour vocation l’aide aux détenus et qui s’est retrouvée dans la liste de sectes du rapport parlementaire de 1995 et enfin l’AEP (Art, Expression Promotion). Ces associations sont aujourd’hui dissoutes.

L’affaire avait éclaté en avril 2007 lorsqu’un témoin, Dominique Lorenzato, accompagné d’un témoin désirant dans un premier temps conserver l’anonymat, avaient dénoncé aux gendarmes l’existence de ce qu’ils décrivaient « comme une secte et les pratiques de son chef ».

Robert Lé Dinh se présentait comme un envoyé de Dieu délivrant des messages mystiques. Les deux témoins précisaient que le vecteur essentiel du fonctionnement du groupe était les enseignements dispensés par le gourou. Ils dénoncaient la manipulation du gourou et évoquaient des viols et des agressions sexuelles imposées sur des femmes ou des mineures sous couvert de missions divines et de « loi du retour », principe selon lequel, d’après l’acte d’accusation, « toute mauvaise action génère une catastrophe ou un malheur pour soi ou sa famille ». Ils parlaient aussi de montages financiers. Robert Lé Dinh avait déjà été condamné à deux ans et demi de prison en 1984, notamment pour extorsion de fonds.

« M. Le Dinh, quand le Christ est venu vous visiter, que vous a-t-il dit exactement ? » demande Jacques Richiardi, président de la cour d’assises de l’Ariège, à Robert Le Dinh.
Ce dernier répond que le Christ lui a dit qu’il était « le saint élu », ajoutant : « c’est un grand mystère »…

Dans le cadre de l’instruction, le témoin anonyme qui avait dénoncé les faits à la gendarmerie de Saint-Girons décidait de dévoiler son identité et de se constituer partie civile. Il s’agissait d’Isabelle Lorenzato qui avait quitté le groupe en compagnie de son époux le 18 février 2007.Par la suite, quatre autres parties civiles, les ont rejoints. Ces dernières confirmaient que Robert Lé Dinh était considéré par les membres comme « le Grand Monarque », le « Troisième Messie », la représentation du Christ sur terre, le « Grand consolateur », ce qu’il leur suggérait effectivement à travers ses visions et ses enseignements.

Cinq chefs d’accusation ont été retenus contre Robert Lé Dinh dont ceux de viols sur personnes vulnérables et agressions sexuelles sur mineur. Il est en outre accusé d’avoir reçu entre 2005 et 2007 environ 150.000 euros de ses adeptes et près de 80.000 euros par chèques… alors qu’il ne déclarait qu’environ 8.000 euros. Les adeptes avaient dû souscrire des emprunts auprès d’organismes bancaires ou auprès de l’entourage familial pour satisfaire aux exigences de Robert Lé Dinh.

Isabelle Lorenzato justifiait quant à elle l’état « d’hypnose mentale » dans laquelle elle et son époux se trouvaient. Isabelle Lorenzato, raconte ainsi que pendant vingt ans, l’accusé lui a fait subir les pires choses, des humiliations les plus abjectes, les actes les plus dégradants. « Ce qui est aberrant, raconte-t-elle, « c’est que tout ce qu’il demandait, même si c’était très difficile, on le faisait ». Sa confession est « terrifiante ». Il lui demandait « de faire pleurer les gens » et elle le faisait. « On était prêt à tuer pour lui »… « On était des adultes, on n’a pas su protéger les enfants ». Elle poursuit : « un jour dans la voiture, il m’a mordu violemment et brulé avec son cigare… ». De son côté, l’accusé s’est toujours prétendu victime d’un complot ourdi par le couple Lorenzato.

Le procès de Robert Lé Dinh aura donc duré une semaine, au cours de laquelle 26 témoins et experts auront défilé à la barre. La présidente de l’UNADFI, Catherine Picard, se trouvait à l’ouverture du procès représentant l’UNADFI, partie civile en tant que personne morale. Gérard Fodor, président de l’ADFI Midi-Pyrénées, ainsi que des bénévoles de cette même ADFI, auront suivi la totalité des débats du procès.

Le verdict est tombé le samedi 18 septembre 2010 : Robert Lé Dinh a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle par les douze jurés de la cour d’assises de l’Ariège. Après trois heures de délibéré, les jurés qui comprenaient neuf jurés populaires et trois magistrats professionnels, sont allés au-delà des réquisitions de l’avocate générale, Cécile Deprade, qui avait demandé une peine qui « ne soit pas inférieure à 10 ou 12 ans ».

Cette dernière avait estimé que Robert Lé Dinh avait « parfaitement conscience de ses actes » « mettant tout en place « pour que les adeptes et plus particulièrement les femmes soient assujettis ». Elle ajoutait que « la déstabilisation mentale » générée par lui avait annihilé « la capacité de résistance » de son groupe sur lequel il exerçait des pressions graves et réitérées, usant même de « techniques coercitives.

Pour les parties civiles, ce verdict est une « immense satisfaction ». Me Daniel Picotin, avocat du couple Lorenzato, relève que l’accusé a été condamné à la peine maximum encourue pour des viols.
Robert Le Dinh a fait appel.

Source : www.sudouest, Daniel Bozec, 01.09.2010 & ladepeche.fr, 06.09.2010 & L’indépendant.com, 09.09.2010 & lefigaro.fr, Flore Galaud, 10.09.2010 & www.lejdd, 11.09.2010 & ladepeche.fr, 14.09.2010 & 17.09.2010 & www.lemonde/AFP, 18.09.2010

Lire le communiqué de presse de l’UNADFI