Agressions sexuelles au sein des Béatitudes

En 1989, Caroline a été abusée sexuellement par un prêtre agissant au sein de la Communauté des Béatitudes de Nouan-le-Fuzelier (41). Trente ans après les faits, elle a décidé de porter plainte. A sa grande surprise, le procureur de Blois décide d’instruire l’affaire. Elle rejoint ainsi une dizaine de victimes qui, avant elle, avaient accusé ce même prêtre d’agressions sexuelles.

Caroline a intégré la communauté de Nouan-le-Fuzelier en 1986, malgré les avertissements d’une sœur franciscaine. Tout lui paraissait plus beau qu’ailleurs. Son souhait était de devenir religieuse, mais les corvées quotidiennes occupaient ses longues journées. Elle se souvient avoir vu des sœurs pleurer sans explication apparente avant de comprendre qu’elles pleuraient d’épuisement. Dans le même temps, elle décide de tirer un trait sur ses amis et ses parents qui n’étaient pas d’accord avec son entrée dans la communauté. Souffrant de douleurs dorsales, elle devient moins performante et demande de l’aide à un frère guérisseur, « star de la communauté, qui permettait de gagner beaucoup d’argent ». Abusée par le prêtre, elle décide de se taire et de ne plus jamais le revoir. Peu de temps plus tard, sans raisons connues, elle est envoyée à Saint-Martin-du-Canigou (66) où elle s’est emmurée dans un silence qui la rongera pendant plusieurs années.

A sa sortie des Béatitudes, Caroline découvre qu’elle n’a plus de droit à la sécurité sociale : travail non payé, non déclaré, s’apparentant à de l’esclavage mais réalisé pour le bien de la communauté… Et pourtant c’est cette même communauté qui l’a remerciée car elle n’était plus en mesure d’effectuer les tâches ménagères qui lui incombaient.

L’agresseur, aujourd’hui âgé de 89 ans, aurait sévi durant plusieurs années au sein du domaine de Burtin, à Nouan-le-Fuzelier, alors qu’il n’appartenait pas à la communauté des Béatitudes mais à la Mission de France.

La communauté des Béatitudes a été informée des accusations portées contre le prêtre dans le milieu des années 2010. Sa secrétaire générale, semblant incrédule vis-à-vis de ces accusations, explique que la communauté n’avait pas d’autorité sur lui tandis que d’autres membres n’ont pas hésité à instiller le doute sur Caroline. Ils évoquent « une jeune femme en très grande difficulté » et un prêtre ayant « essayé de s’occuper d’elle », estimant même que c’est le côté « tactile » du curé qui « a pu gêner des jeunes femmes » …

La Mission de France a décidé en 2016 que le curé ne pouvait plus entendre les confessions en raison de «  gestes et attitudes déplacés ».

Quant à l’Eglise, elle a engagé un procès canonique qui a abouti à la requalification des faits en simples « gestes déplacés ». Le prêtre a été « condamné » à ne plus confesser.

En 2018, la lecture de passages du décret canonique et le visionnage d’un documentaire, Pédophilie, un silence de cathédrale font réagir Caroline. Elle se convainc qu’il faut mettre un terme à l’omerta et « faire le ménage » pour ne pas se sentir complice. « J’ai une colère en moi, parce que pendant des années, personne n’a rien dit et parce que, pendant des siècles, l’Eglise a couvert des crimes » a-t-elle déclaré.

(Sources : Golias, mars-avril 2019 & France 3 Nouvelle Aquitaine, 01.09.2019 & La Nouvelle République, 06.09.2019)

Lire Ma Vie aux Béatitudes : le corps brisé de Caroline, in magazine Golias n°185, mars-avril 2019, p32.

  • Auteur : Unadfi