Santé : la folie des médecines douces

La Tribune de la Santé consacre un dossier élaboré avec le concours de plusieurs médecins sur ces médecines dites « traditionnelles » qui bousculent la médecine conventionnelle. Perçues comme moins toxiques, moins polluantes, moins invasives, elles sont considérées par 10 % des Français « comme l’une des découvertes majeures des vingt-cinq dernières années ». Certains hôpitaux les ont même adoptées « en complément ». Trois articles composent ce dossier.

Le goût de se soigner autrement

La palette des médecines dites douces est large et la mondialisation a accentué le phénomène en popularisant « des pratiques venues d’ailleurs ». Les trusts pharmaceutiques « pistent » les Indiens d’Amazonie et « leurs savoirs ancestraux sur les plantes »…

Souvent, une mauvaise expérience en allopathie motive le premier contact avec la médecine alternative. L’article offre quelques témoignages qui vont dans ce sens. L’homéopathie et l’ostéopathie semblent ainsi avoir résolu des maux jugés « irréversibles » par la médecine allopathique et avoir permis à une enseignante de marcher à nouveau…

Pourtant des risques existent.

L’an dernier, une jeune femme de 20 ans, atteinte d’un cancer, est décédée à la suite d’une randonnée effectuée en jeûnant, « sur les conseils d’un guérisseur ».

Le cas est extrême et heureusement rare. Reste que les patients sont de plus en plus nombreux à recourir à des pratiques dont l’efficacité n’est toujours pas démontrée. Ainsi, une plante « utilisée sans aucun recul » en phytothérapie, « fait fureur » actuellement en raison de ses « vertus hépatiques » : le desmodium…

Dans un domaine proche, l’aromathérapie utilise des huiles essentielles. Ces dernières ne sont pourtant pas sans danger et elles doivent être impérativement proscrites dans certains cas.

A noter qu’en Allemagne, l’exercice de la profession spécifique de praticien de santé (Heilpraktiker) est légalisé depuis 1939. Ces praticiens ont recours à la physiothérapie, l’acupuncture et la psychothérapie.
Depuis 1970, les médecines alternatives « imprègnent » l’ensemble de la société allemande.
 

Quand les deux médecines cohabitent

Certaines médecines complémentaires ont trouvé leur place au sein des hôpitaux, « au gré des convictions des médecins ». Le plan stratégique 2010-2014 de l’Assistance Publique / Hôpitaux de Paris (AP-HP) fait d’ailleurs une place à ces médecines, promues au rang de « thématique innovante ». Malgré les réticences de certains médecins, « pas moins de dix pratiques, de l’hypnose à la réflexologie, y sont citées ». Le Pr Loïc Capron, membre de la commission médicale et président du Syndicat des médecins des hôpitaux de Paris, ne cache pourtant pas son scepticisme face à ces médecines qu’il qualifie de « patamédecines ». Il a pu obtenir une « atténuation » du texte définitif du plan, mais n’a pu empêcher l’entrée des médecines traditionnelles chinoises dans les hôpitaux parisiens.

En l’absence d’étude, Manuel Rodriguès, interne en oncologie médicale à la Pitié-Salpêtrière, a mené l’hiver dernier une enquête auprès de 844 malades du cancer. 60 % d’entre eux avaient recours aux médecines complémentaires et 46 % ne l’avaient pas signalé à leur oncologue.

Le Dr Sarah Dauchy, psychiatre et responsable des soins de support à l’Institut Gustave Roussy, rappelle que « le but de l’hôpital, quand il accueille ces techniques potentiellement innovantes, souvent pas ou peu validées, est d’offrir un cadre de recherche pour favoriser leur évaluation de façon neutre, sans a priori sur leurs bénéfices »

 

La face cachée des médecines douces

L’homéopathie, l’acupuncture, la mésothérapie et l’ostéopathie sont reconnues par le corps médical et plébiscitées par les patients mais aussi par les généralistes (plus d’un tiers à Paris), les hôpitaux (lire la synthèse précédente) ou encore les mutuelles « complémentaires santé », pour lesquelles la prise en charge de tels soins « devient un véritable argument commercial ». Le Dr Irène Kahn-Bensaude, vice-présidente du Conseil national de l’Ordre des médecins, refuse de se prononcer sur l’efficacité de ces pratiques : « Tout ce qu’on peut dire, c’est que bien appliquées », elles ne présentent pas « de danger pour la santé des patients ».

Pour d’autres pratiques non reconnues par le corps médical, la vigilance et le bon sens s’imposent.

Le président de la MIVILUDES, Georges Fenech, rapporte que la Mission reçoit de nombreux témoignages de personnes atteintes d’un cancer qui ont arrêté leur traitement pour recourir à des méthodes non éprouvées, comme la Nouvelle Médecine Germanique de Ryke G. Hamer ou l’une de ses variantes, la Biologie totale.

| Pour l’UNADFI, « la santé est un domaine à haut risque en matière de dérive sectaire ». Elle communique ainsi le cas de Cerise, une jeune femme âgée d’une trentaine d’années qui est restée pendant six ans sous l’emprise d’une « thérapeute » sans scrupules. Reiki, kinésiologie, sophrologie, reprogrammation ADN ou encore communication avec les esprits, le piège s’est progressivement refermé sur la jeune femme qui avait coupé les liens avec ses parents et ses amis, accumulant des milliers d’euros de dettes. « Ce qui devait être une simple thérapie psychologique était devenu un engrenage malsain »…
Cerise a réussi à sortir de cette emprise depuis près d’un an mais le souvenir de cette expérience ne disparaîtra pas de sitôt… |

Source : Tribune santé, Erwan Le Fur, janvier-février-mars 2011